
Au Québec, le bourdon fébrile est un pollinisateur important des plantes sauvages, mais aussi de plantes de culture comme la tomate, le poivron, le bleuet, le concombre et la canneberge.
— Pascal Gaudette Doundounba on Flickr, CC BY-NC-SA 2.0
Une étude qui vient de paraître dans la revue Scientific Reports indique que l'herbicide à base de glyphosate vendu sous le nom commercial de Roundup ne nuit pas à la survie des bourdons. Par contre, ce produit diminuerait substantiellement la fertilité des mâles, ce qui pourrait se répercuter sur la taille des colonies et, ultimement, sur la fécondation des plantes qui dépendent de ce pollinisateur indigène.
Les effets sous-létaux des pesticides sont souvent négligés dans les études portant sur les impacts de ces produits sur les organismes autres que ceux qu'ils ciblent, soulignent les signataires de l'étude. «Nous avons voulu documenter l'un de ces effets sous-létaux, soit les répercussions sur la fertilité d'un pollinisateur indigène du Québec, le bourdon fébrile, Bombus impatiens», explique un membre de l'équipe de recherche, Pierre Giovenazzo, professeur au Département de biologie de l'Université Laval.
Au Québec, le bourdon fébrile est un pollinisateur important des plantes sauvages, mais aussi de plantes de culture comme la tomate, le poivron, le bleuet, le concombre et la canneberge. Son utilisation pour la pollinisation de ces végétaux est recommandée pour assurer la production de fruits de qualité.
Les scientifiques ont évalué l'effet du Roundup sur 208 bourdons mâles placés dans des cagettes en laboratoire. «Nous avons notamment mesuré comment l'exposition à cet herbicide affectait le nombre de spermatozoïdes vivants produits par les bourdons. Les doses testées correspondent à ce qu'on retrouve dans les champs après l'application de ce produit», précise le professeur Giovenazzo.
Premier résultat pour le moins étonnant, la survie médiane des bourdons exposés au Roundup est de 28 jours alors qu'elle est de 23 jours dans un groupe témoin composé de 104 bourdons. «Nous ne savons pas ce qui explique cette longévité accrue, admet le chercheur. Par contre, au jour 10 de l'expérience, les mâles exposés à l'herbicide avaient 34% moins de spermatozoïdes vivants que ceux du groupe témoin. Plus l'exposition à l'herbicide était grande, moins il y avait de spermatozoïdes vivants. Une exposition plus longue pourrait donc avoir des effets encore plus marqués.»
Cette baisse de fertilité peut avoir des répercussions substantielles, surtout pour les plantes qui dépendent de cette espèce pour leur pollinisation, explique le professeur Giovenazzo. «Chez le bourdon fébrile, la reine ne s'accouple qu'une fois dans sa vie. Si l'accouplement a lieu avec un mâle qui a peu de spermatozoïdes vivants, la reine aura une fécondité réduite et, conséquemment, il y aura moins d'ouvrières pour assurer la pollinisation des plantes.»
L'évaluation des risques que les pesticides posent pour les espèces qui ne sont pas leur cible première, entre autres les insectes, porte essentiellement sur la survie de ces organismes. «Notre étude montre que pour avoir un portrait plus complet des impacts de ces produits, il faut aussi considérer leurs effets sous-létaux. Si l'on s'en remet uniquement à la survie, on pourrait faussement conclure qu'un produit est sécuritaire pour les insectes, alors qu'il affecte des caractères importants comme la fertilité et la fécondité», conclut le professeur Giovenazzo.
L'article publié dans Scientific Reports est signé par Andrew Brown, Verena Strobl, Peter Neumann et Lars Straub, de l'Université de Berne, Pierre Giovenazzo, de l'Université Laval, Marilène Paillard, du Centre de recherche en sciences animales de Deschambault, Andrée Rousseau, du Centre de recherche en sciences animales de Deschambault et aussi doctorante à l'Université Laval, et Annette Van Oysteayen, du collège Royal Holloway de l'Université de Londres.

























