21 octobre 2025
Un guide pour aider les entraîneures et entraîneurs à reconnaître et réguler leurs émotions
La Chaire de recherche Sécurité et intégrité en milieu sportif publie un outil pratique pour tous les types d'entraîneures et entraîneurs, du niveau récréatif jusqu'au niveau olympique

Pour une entraîneuse ou un entraîneur, la régulation des émotions passe par cinq étapes: les reconnaître, puis les comprendre, les nommer, les exprimer et les réguler.
— Getty Images – KALI9
La Chaire de recherche Sécurité et intégrité en milieu sportif (SIMS), rattachée au Département d'éducation physique de l'Université Laval, vient de lancer son plus récent guide pratique. Intitulé Reconnaître et réguler les émotions: un guide pratique pour les entraîneures et entraîneurs, cet outil scientifique vulgarisé de 19 pages aborde dans un style clair et avec de nombreux exemples une réalité à la fois complexe et méconnue.
«Le jour du lancement, plus de 90 personnes ont assisté à un webinaire organisé par la Chaire SIMS et Sports Québec, rappelle la professionnelle de recherche à la Chaire SIMS et coauteure du guide, Émilie Lemelin. Les questions posées à la période de questions suggèrent que le guide sera grandement apprécié.»
Selon la chercheuse, cet outil va être pertinent. «Il nous a été demandé par des entraîneurs, dit-elle. C'est un outil parmi plusieurs. Il n'a pas la prétention de régler tous les défis de la régulation des émotions. Mais il peut définitivement amener des réflexions à des entraîneurs et ouvrir la porte à certains outils.»
Comment remplacer les comportements de violence et de contrôle?
Agressions verbales, intimidation, abus psychologiques, mauvais traitements: de nombreux cas de maltraitance impliquant des entraîneures et entraîneurs adultes et de jeunes athlètes sous leur responsabilité sont ressortis dans les médias d'information au fil des ans.
«Les entraîneurs sont de plus en plus au courant de ce qu'ils ne doivent pas faire, souligne Émilie Lemelin. Mais il est rare qu'on leur apporte des outils pour changer. De plus en plus d'entre eux sont au courant et disent: “Je sais que je ne suis pas supposé crier après un athlète ni faire de commentaires désobligeants. Mais qu'est-ce que je fais à la place? De quelle façon puis-je m'exprimer”? Notre objectif avec le guide est d'offrir des outils concrets pour remplacer les comportements de violence et de contrôle transmis de génération en génération par les entraîneurs.»
Sport et émotions
Dans le domaine sportif, les succès peuvent, entre autres, apporter de la joie et donc amener l'athlète à poursuivre dans cette direction. Le stress prépare à faire face aux défis que peut représenter, par exemple, une compétition. Les défaites, les blessures, les conflits peuvent amener de la colère, de la tristesse, de la déception.
La culture sportive, quant à elle, est centrée sur la performance. «S'il y avait moins d'importance accordée au fait de gagner la médaille d'or et plus d'importance accordée au progrès, au dépassement de soi et au plaisir, est-ce que perdre ou terminer deuxième susciterait autant de colère et de déception chez certaines personnes? demande la chercheuse. Peut-être pas…»
En bref, les émotions représentent des réactions spontanées à des défis, à des événements ou à des circonstances que l'on considère comme significatifs. Les émotions sont nombreuses et il est possible d'en ressentir plusieurs à la fois. Certaines sont agréables, comme la joie et l'espoir, ou désagréables, comme la tristesse et la culpabilité.
La régulation émotionnelle, quant à elle, consiste à recourir à diverses stratégies pour influencer les émotions qui surgissent, quand elles se produisent et la façon dont elles sont vécues et exprimées. Certaines stratégies sont négatives, comme consommer de l'alcool ou des drogues, d'autres sont neutres, comme jouer à des jeux vidéo, et d'autres sont plus positives, comme faire des exercices de respiration.
Selon Émilie Lemelin, les émotions font partie de l'être humain. «Être capable de les reconnaître, les comprendre et les exprimer, poursuit-elle, je pense que c'est une qualité aussi importante pour toutes les personnes qui gravitent autour des athlètes que ce soit les parents, les entraîneurs, les arbitres ou même les gestionnaires de clubs sportifs.»
Des mythes à déconstruire
«Je dois enfouir et cacher mes émotions pour être un bon entraîneur.» C'est là la première de huit phrases clés du chapitre consacré à la déconstruction des mythes entourant la régulation émotionnelle chez les entraîneures et entraîneurs.
Selon Émilie Lemelin, de nombreux mythes entourent la régulation émotionnelle, et pas que dans le sport. «On entend souvent dire qu'il faut être fort, qu'il faut cacher nos émotions, qu'on ne ressent pas de peur ni de stress, explique-t-elle. Je pense qu'on passe à côté de ce qu'est la régulation émotionnelle. La première étape consiste à déconstruire la croyance que l'on peut avoir pour ensuite adopter de nouvelles façons de faire.»
La chercheuse soutient que les émotions agissent comme une boussole. Si on les ignore, il se peut que l'on passe à côté de choses importantes pour soi. «Réprimer ou agir à l'encontre de ses émotions peut drainer l'énergie émotionnelle et conduire à l'épuisement», écrivent les auteures du guide. Selon elles, réprimer constamment les émotions peut aussi affaiblir la relation entraîneur-athlète en créant une distance émotionnelle. «La capacité à identifier, exprimer calmement et réguler avec précision ses émotions est un élément essentiel d'un leadership efficace», affirment-elles.
Une autre phrase clé est: «La façon dont j'exprime mes émotions n'a pas d'impact sur mon équipe ou la performance des athlètes». Les auteures du guide expliquent que c'est le contraire qui se produit. Ainsi, les athlètes qui perçoivent de la colère chez leur entraîneure ou entraîneur l'associent souvent à une contre-performance de l'équipe et ressentent eux-mêmes de la colère.
Améliorer sa régulation émotionnelle
Cinq étapes composent la régulation des émotions: reconnaître, comprendre, nommer, exprimer et réguler. Comme premières stratégies, les auteures du guide suggèrent, entre autres, de faire une pause et de respirer. Pour explorer les causes de l'émotion ressentie, la personne peut tenir un journal. Un outil, comme «la roue des émotions», peut aider à mettre un mot précis sur l'émotion ressentie. Après ces étapes, l'entraîneure ou l'entraîneur doit réfléchir aux actions à poser. Cela peut être d'établir une limite, de demander du soutien ou de changer de perspective. Enfin, la gestion efficace de ses émotions peut passer par la méditation et la possibilité de compter sur un solide réseau de soutien.
Huit chercheuses cosignent le guide. Elles sont toutes membres de la Chaire SIMS, sauf une qui est rattachée à l'Unité mixte de recherche Synergia de l'Université Laval. Ce sont respectivement Émilie Belley-Ranger, Deziray De Sousa, Allyson Gillard, Sophie Labossière, Émilie Lemelin, Sylvie Parent et Stéphanie Radziszewski, ainsi que Claudia Verret. Le guide est le sixième du genre réalisé par la Chaire.


























