Le départ d'un triathlon donne souvent lieu à une furieuse cavalcade. Des centaines de compétiteurs se lancent frénétiquement à l'eau et tentent tant bien que mal de trouver un corridor de nage dans le chaos créé par une multitude de bras qui moulinent et de jambes qui battent. Pas facile pour les personnes chargées de la sécurité des participants de repérer une personne victime de malaise dans cette marée humaine. Heureusement, cette délicate tâche pourrait être facilitée par les drones, suggère un article scientifique qui vient de paraître dans la revue Prehospital Emergency Care.
Les auteurs de cette étude exploratoire ont testé la fiabilité et la faisabilité de la surveillance par drones lors de l’Ironman Mont-Tremblant en 2018. «Nous voulions savoir s'il était possible de repérer les personnes qui montraient des signes de détresse, explique l’un des auteurs de l’étude, le professeur Richard Fleet, de la Faculté de médecine. Nous voulions aussi déterminer si les drones permettaient de repérer les nageurs en détresse plus rapidement que des sauveteurs à bord d’embarcations.»
Le triathlon est une épreuve exigeante. Le taux de mortalité est de 1,7 par 100 000 participants et la plupart des décès surviennent pendant la partie natation de la compétition. Les causes de mortalité sont variées, mais l’arythmie cardiaque et l'œdème pulmonaire induit par la natation sont souvent en cause. «Les participants qui subissent un malaise risquent de perdre conscience sans être vus, surtout en début de course lorsque tous les nageurs sont dans une masse compacte. Le défi est de pouvoir les repérer le plus tôt possible afin de leur porter secours rapidement», souligne le professeur Fleet.
Pour tester la méthode de surveillance par drones, les chercheurs ont d’abord identifié, à partir des renseignements fournis au moment de l’inscription, 30 participants dont les antécédents médicaux ou l’état actuel de santé leur conféraient un risque plus élevé de problèmes pendant l'épreuve. Du nombre, 25 ont accepté de porter un bonnet jaune afin d’être facilement repérables.
Le jour de l’épreuve, 3 drones surveillaient le site d’où se sont élancés 2448 participants. Les images captées par leur caméra étaient retransmises en direct à des observateurs préalablement formés pour reconnaître les signes de détresse chez les nageurs. Au même moment, 4 équipes de sauveteurs et de personnel médical surveillaient les triathloniens à partir d’embarcations qui parcouraient la zone de l'épreuve.
La Chaire de recherche en médecine d’urgence de l'Université Laval et ses partenaires ont produit une vidéo (disponible uniquement en anglais) sur ce projet.
La surveillance par drones a permis de suivre adéquatement 22 des 25 triathloniens portant un bonnet jaune. Au terme de l’épreuve, aucun d'eux n'a été victime de malaise. Par contre, 5 participants ont dû être secourus après avoir montré des signes de détresse. L’un d’eux a été repéré par drone avant d’être vu par les sauveteurs, même si ces derniers se trouvaient à proximité du participant.
«Nos résultats indiquent que le recours aux drones pour repérer des triathloniens en détresse est faisable et sécuritaire, résume le professeur Fleet. D'autres épreuves sportives, notamment les marathons, pourraient aussi profiter de cette technologie.»
Ce projet a servi de banc d'essai pour explorer d'autres utilisations potentielles des drones en médecine d'urgence et en médecine rurale, poursuit le chercheur. «Nous voulions nous familiariser avec cette technologie afin de voir comment elle pourrait servir à prêter secours aux victimes d'événements survenant dans des régions éloignées ou difficiles d'accès. Leur usage est envisagé pour le transport de matériel médical, de produits sanguins ou d'équipement de survie. Lors du triathlon Mont-Tremblant, par exemple, nous avons démontré qu'il était possible de transporter un défibrillateur par drone.»
Les auteurs de l'étude parue dans Prehospital Emergency Care sont Valérie Homier et François De Champlain, de l'Université McGill, Michael Nolan, du County of Renfrew Paramedic Service de Pembroke, et Richard Fleet, de la Chaire de recherche en médecine d’urgence de l'Université Laval et du CISSS de Chaudière-Appalaches.