
Les femmes à risque élevé pourraient bénéficier d’un suivi intensif, avec un dépistage annuel par mammographie et par imagerie par résonance magnétique à partir de 30 ou 35 ans, ou même d’une chirurgie préventive.
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Dès 2026, un échantillon de salive et de sang pourrait permettre de mieux évaluer le risque de développer un cancer du sein afin d'avoir une prise en charge personnalisée en clinique. «C'est vraiment un changement majeur de pratique. C'est quelque chose qui est hyper stimulant et encourageant», s'enthousiasme Mathias Cavaillé, médecin clinicien enseignant à la Faculté de médecine et chercheur au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval.
Il mène un projet de recherche pour intégrer un nouvel outil dans l'arsenal du personnel clinique: le score de risque polygénique. Jumelé à des facteurs de risque non génétiques, comme l'âge, la densité mammaire, l'indice de masse corporelle ou le mode de vie, il permettra d'évaluer le niveau de risque plus précisément.
Le 2 octobre, la Fondation cancer du sein du Québec a d'ailleurs soumis une motion à l'Assemblée nationale pour un mode de dépistage basé sur le risque, comme le projet Perspective, adoptée à l'unanimité. Elle déclarait que 42 000 femmes avaient signé une pétition pour un accès au score de risque polygénique pour les femmes au niveau populationnel.
Un outil pour affiner le dépistage
Le score de risque polygénique est particulièrement intéressant pour les femmes considérées à risque génétique modéré ou familial de cancer du sein. Leur risque est évalué à 20% au cours de la vie, soit deux fois supérieur à celui de la population générale. En réalité, une femme sur deux aurait un niveau de risque plus élevé ou plus faible. «Sur 100 patientes considérées à risque modéré, il y en a 25 qui sont à faible risque et 25 qui sont à risque élevé, comparable à celui induit par les mutations BRCA1 et 2», illustre Mathias Cavaillé.

Mathias Cavaillé, médecin clinicien enseignant à la Faculté de médecine et chercheur au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval
— Courtoisie
L'approche «historique» aurait été de toutes les prendre en charge de la même façon, soit au moyen d'un dépistage par mammographie annuel ou bisannuel à partir de 40 ans. Avec une évaluation de risque personnalisée, les femmes avec un risque comparable à la population générale pourraient commencer le dépistage plus tard, à 50 ans. Les femmes à risque élevé, elles, pourraient bénéficier d'un suivi intensif, avec un dépistage annuel par mammographie et par imagerie par résonance magnétique à partir de 30 ou 35 ans, ou même d'une chirurgie préventive.
Quand la génétique rencontre la clinique
Certaines mutations génétiques dans des gènes de prédisposition au cancer du sein comme BRCA1 et 2 sont connues pour induire un risque élevé ou modéré. Mais d'autres variations génétiques plus fréquentes dans la population influencent aussi la probabilité de développer la maladie.
Ce sont ces dernières qui sont considérées dans le score de risque polygénique, qui en dénombre 313. Individuellement, ces mutations sont associées à un faible risque de cancer, mais lorsqu'elles sont combinées, elles peuvent l'augmenter de façon significative.
— Mathias Cavaillé, médecin clinicien enseignant à la Faculté de médecine et chercheur au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval.
Comme clinicien, la majorité de ces patientes sont des femmes avec un risque familial de cancer du sein pour lesquelles on ne trouve pas de mutations dans les gènes de prédisposition, ce qui complexifiait la prise en charge.
Tester la robustesse du score de risque polygénique
Pour passer de la recherche à l'intégration en clinique, Mathias Cavaillé et son équipe vont vérifier que les 313 mutations génétiques sont bien identifiables si elles peuvent être regroupées pour produire un score de risque polygénique de qualité. «On va proposer aux patientes qu'on voit en consultation de faire le test de score de risque polygénique et les prendre en charge en fonction de ce nouveau risque», explique le chercheur.
Le projet de recherche inclura 400 patientes québécoises et 1000 femmes canadiennes de différentes ethnies. Comme le score de risque polygénique est basé sur l'ADN de population d'ascendance européenne, il faut s'assurer de son efficacité pour des femmes d'ascendance asiatique ou africaine, par exemple.
L'équipe du chercheur Cavaillé va aussi évaluer «l'utilité clinique», c'est-à-dire qu'elle va vérifier dans quelle mesure les femmes changent ou non de catégorie de risque. «Dans les études internationales, 50% des patientes changent de catégorie de risque. Il faut vérifier si c'est le cas dans la population québécoise.»
Avec l'élargissement du Programme de dépistage du cancer du sein aux femmes de 45 ans et plus, recommandé par l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux (INESSS), le score de risque polygénique permettrait d'évaluer le niveau de risque individuel. «Pour une personne à faible risque, on n'aura pas besoin de lui faire des mammographies tous les ans. À l'inverse, on pourra identifier des femmes qui s'ignorent à haut risque de cancer du sein.»
Le projet de recherche est financé par Génome Québec, par la Fondation cancer du sein de Québec et par la Fondation du CHU de Québec.