
La polyarthrite rhumatoïde est une maladie auto-immune qui entraîne une inflammation et de la douleur dans plusieurs articulations du corps. Elle survient lorsque des cellules du système immunitaire s'attaquent, sans que l'on sache pourquoi, à des articulations saines.
— Getty Images/Rudisill
Il serait possible d'atténuer, voire de guérir, certaines maladies auto-immunes telles que la polyarthrite rhumatoïde ou le lupus en empêchant les plaquettes sanguines de se lier à des cellules du système immunitaire. C'est ce que suggère une étude publiée dans le Journal of Clinical Investigation par une équipe de l'Université Laval et du Centre de recherche du CHU de Québec –Université Laval.
«Le rôle des plaquettes pour arrêter les saignements est connu depuis plus d'un siècle, rappelle le responsable de l'étude, Éric Boilard, professeur à la Faculté de médecine de l'Université Laval. Leur forme aplatie permet de bien colmater les brèches dans les vaisseaux sanguins. De plus, lorsqu'elles sont activées, elles développent des «bras» auxquels s'attachent les globules blancs, ce qui permet d'immobiliser ces cellules immunitaires sur le site de la blessure. Elles sont alors bien positionnées pour défendre l'organisme contre une éventuelle invasion microbienne.»
Dans certaines maladies auto-immunes comme la polyarthrite rhumatoïde et le lupus, les globules blancs quittent la circulation sanguine et s'infiltrent dans les tissus, causant une inflammation chronique. «Nous avons voulu savoir si les plaquettes intervenaient dans ce processus, même s'il n'y a pas de saignement», résume le professeur Boilard.
Pour y arriver, l'équipe de recherche a d'abord reproduit le plus fidèlement possible l'environnement vasculaire dans lequel se manifeste la polyarthrite rhumatoïde. «Nous avons utilisé un instrument doté d'une tubulure synthétique dans laquelle on peut faire circuler un liquide afin d'étudier l'adhésion et la migration d'éléments sanguins comme les plaquettes et les globules blancs», explique le chercheur.
Dans un premier temps, les parois de la tubulure ont été traitées afin de permettre à des anticorps d'y adhérer et de former des amas, comme ceux qu'on retrouve à l'intérieur des vaisseaux sanguins de personnes atteintes de maladies auto-immunes. Les scientifiques ont ensuite ajouté au système des globules blancs (neutrophiles) provenant de personnes souffrant de polyarthrite rhumatoïde.
«Dans ces conditions, les globules blancs passent tout droit, rapporte le professeur Boilard. Par contre, lorsqu'on ajoute uniquement des plaquettes, celles-ci se fixent aux anticorps. Lorsqu'on introduit des plaquettes et des globules blancs, les plaquettes se lient aux anticorps et permettent également aux globules blancs de s'immobiliser sur les anticorps. La présence des plaquettes est donc indispensable à l'adhésion des globules blancs lorsqu'ils sont dans un liquide en mouvement comme le sang.»
Cette vidéo montre comment les plaquettes, en turquoise, en se liant aux anticorps présents sur la paroi intérieure d'un vaisseau sanguin, parviennent à immobiliser un neutrophile, en mauve, lui permettant d'infiltrer les tissus d'une articulation.
— Emma Bourgeault
Pour valider cette hypothèse in vivo, les scientifiques ont eu recours à des souris transgéniques utilisées comme modèles pour l'étude de la polyarthrite rhumatoïde. «De plus, nous avons inséré dans leur génome le gène humain qui code pour la protéine assurant la liaison entre les plaquettes et les globules blancs, ajoute le professeur Boilard. Chez ces souris, la sévérité de la maladie est amplifiée par rapport à ce qui est observé chez celles qui ne possèdent pas cette protéine de liaison. Par contre, quand on administre un anticorps qui empêche la liaison entre les plaquettes et les globules blancs, les symptômes de la maladie diminuent. Il semble même y avoir guérison.»
Selon le chercheur, cette preuve de concept n'est pas purement théorique. «Ça pourrait marcher chez l'humain. Il existe déjà des anticorps thérapeutiques qui peuvent empêcher la liaison entre les plaquettes et les globules blancs. Si les essais cliniques donnaient des résultats positifs, il faudra trouver le juste équilibre entre les issues positives et négatives de la liaison entre les plaquettes et les globules blancs. On veut atténuer les symptômes des maladies auto-immunes chez les personnes qui en souffrent, mais on ne veut pas nuire à leur capacité de se défendre contre les microorganismes.»
Les signataires de l'étude publiée dans le Journal of Clinical Investigation sont Marie Bellio, Isabelle Allaeys, Étienne Doré, Myriam Vaillancourt, Tania Lévesque, Mélina Monteil, Nicolas Vallières, Philippe Desaulniers, Nicolas Bertrand, Steve Lacroix, Paul Fortin, Clémence Belleannée et Éric Boilard, de l'Université Laval, Valance A. Washington, de l'Université d'Oakland, et Yotis Senis, de l'Université Aix-Marseille.

























