16 décembre 2025
Protéger les sapins de Noël d'un microorganisme dévastateur
Une équipe de la Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation mène des essais pour freiner la pourriture racinaire qui menace les cultures de sapins baumiers et Fraser au Québec

La productions de sapins de Noël de l'entreprise Arbres Joyeux s'étend sur une superficie de plus de 1618 hectares.
— Courtoisie
Les racines noircissent et les aiguilles passent du vert au rouge orangé, menant à la mort de l'arbre. La maladie de la pourriture racinaire est un fléau pour les producteurs de sapins de Noël québécois. Une équipe de recherche de l'Université Laval collabore avec l'entreprise Arbre Joyeux, située en Beauce, pour lutter contre le microorganisme pathogène responsable, le Phytophthora abietivora.
Un fléau bien implanté dans le sol
Cette espèce microscopique se propage principalement par l'eau. Elle libère des cellules munies de petites nageoires, appelées des zoospores, qui vont se déplacer avec le ruissellement lors de pluies importantes. «En 2023 et 2024, il y a eu des averses records. Ça a fait des dommages catastrophiques. On parle de 10 à 20% de perte presque généralisée dans les champs infectés. Dans certains, c'était 50 à 100% de perte au niveau des arbres», soutient Maxime Delisle-Houde, stagiaire postdoctoral dans l'équipe du professeur Russell Tweddell, qui dirige le projet. «Ça pourrait pratiquement mettre l'industrie en péril si ça continue à progresser de cette façon.»
En fonction des conditions, la maladie peut se propager aussi rapidement qu'en quatre semaines. «On peut avoir un arbre qui semble sain et qui devient tout d'un coup pratiquement mort», raconte Maxime Delisle-Houde.
L'espèce Phytophthora abietivora peut survivre une dizaine d'années dans le sol avant d'infecter les arbres. «On ne peut pas miser sur la prévention, parce que le microorganisme est déjà dans les champs du Québec», indique le chercheur postdoctoral. Il ajoute qu'aucun pesticide n'est homologué spécifiquement contre cette maladie, car elle est encore trop récente. «Elle a été identifiée pour la première fois en 2019 dans l'état du Connecticut, aux États-Unis», précise-t-il.

Maxime Delisle-Houde avance l'hypothèse que la mort du sapin a été causée par la pourriture racinaire, mais des tests seront nécessaires pour le confirmer.
— Courtoisie
Contrer la maladie, des serres aux sapinières
Durant les prochaines années, l'équipe de recherche va tester des outils de lutte intégrée pour limiter le développement de la maladie, dans un environnement contrôlé puis directement chez Arbre Joyeux. Pour ce faire, les serres expérimentales sur le campus vont abriter des centaines de petits sapins baumiers et Fraser, les espèces les plus cultivées.
Parmi les solutions à tester, Maxime Delisle-Houde aborde l'ajout de certains amendements pour augmenter la matière organique dans les sols, notamment dans le trou de plantation, ou la plantation de cultures intercalaires comme le trèfle. L'équipe testera également des solutions de drainage et la plantation des sapins un peu à l'extérieur du sol, sans toutefois que l'arbre manque d'eau durant l'été. Les expériences en serre permettront aussi de tester si des produits commerciaux existants ont un effet contre la maladie.
Selon le chercheur postdoctoral, le défi est d'adapter les outils à une très grande superficie, avec près de 9500 hectares principalement cultivés en Estrie et en Chaudière-Appalaches. «C'est plus difficile que pour un champ de tomates», lance-t-il. Maxime Delisle-Houde se dit impressionné de l'ampleur de l'industrie. «En 2023 seulement, les producteurs ont fourni environ 3 millions d'arbres de Noël au Québec et à l'international.»
Une autre particularité de la production de sapins de Noël est l'exploitation de deux types de terrain: des prairies – des terres agricoles transformées – et des parcs – des zones forestières adaptées en sapinière. «Dans les parcs, on ne trouve pratiquement pas de maladie, indique Maxime Delisle-Houde. Nous allons donc analyser les caractéristiques physico-chimiques et microbiologiques des sols pour les comparer et déterminer s'il y a un élément à l'effet répressif qui pourrait être transféré aux prairies.»
Le projet, sur cinq ans, a reçu un financement du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada à travers le programme Alliance. Pour la diffusion des résultats du projet, l'équipe de recherche collabore avec le Réseau d'avertissements phytosanitaires, créé par le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, et l'Association des producteurs d'arbres de Noël du Québec.

























