
Les centres de traumatologie pédiatrique disposent d'une expertise et d'équipement spécialisé qui permettent d'offrir des soins optimaux aux enfants, en particulier aux tout-petits.
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Une étude canadienne dirigée par la professeure Lynne Moore, de la Faculté de médecine de l'Université Laval et du Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval, indique que près du quart des jeunes qui sont victimes de traumatismes majeurs ne sont pas soignés dans des centres de traumatologie pédiatrique et que d'importantes différences existent entre les provinces à ce chapitre.
Ce constat découle des analyses effectuées par cette équipe à l'aide de données portant sur 3007 jeunes de moins de 16 ans hospitalisés entre 2016 et 2021 à la suite d'un traumatisme majeur au pays. «Il s'agit le plus souvent de traumatismes crâniens qui surviennent lors d'accidents de la route ou de chutes», précise Lynne Moore.
Parmi ces 3007 jeunes, 29% ont été transportés directement dans un centre de traumatologie pédiatrique et 48% ont été transférés dans un de ces centres après avoir été initialement transportés dans un hôpital non pédiatrique. Par contre, 22% des jeunes victimes de traumatisme majeur n'ont pas été soignées dans un centre spécialisé pour ce type de cas, alors qu'elles auraient dû l'être, déplore la chercheuse.
«Cela implique que ces jeunes n'ont peut-être pas reçu les soins optimaux. Soigner ces patients, surtout les très jeunes, exige une expertise et de l'équipement spécialisé. Une méta-analyse que mon équipe a réalisée en 2023 a démontré que la mortalité des jeunes avec traumatisme majeur est 41% plus basse lorsqu'ils sont soignés dans des centres de traumatologie pédiatrique plutôt que dans des centres de traumatologie pour adultes.»
Les centres de traumatologie pédiatrique sont rares au Canada. Le Québec, par exemple, en compte seulement trois, dont celui du CHUL qui dessert tout l'est du Québec. «Ça explique pourquoi presque la moitié des jeunes victimes de traumatismes graves sont d'abord admises dans des milieux de soins non pédiatriques avant d'être transférées dans un centre de traumatologie pédiatrique. Il faut évaluer et stabiliser les patients avant leur transfert.»
Selon la chercheuse, il existe des stratégies peu coûteuses et faciles à mettre en place qui permettraient de dispenser des soins optimaux aux jeunes qui subissent des blessures graves. «Au Québec, il existe un outil commun de triage sur la scène de l'accident qui comprend des critères spécifiques aux enfants et qui permet de les diriger vers le bon milieu de soins. Dans les autres provinces, les outils sont disparates, ce qui pourrait expliquer en partie les variations interprovinciales que nous avons observées dans l'accès aux centres pédiatriques.»
La chercheuse croit qu'il faudrait aussi se doter d'un protocole standardisé pour le transfert des jeunes victimes de traumatismes majeurs vers les centres pédiatriques, mieux former les médecins aux soins particuliers que requiert cette patientèle et établir des canaux de communications efficaces entre les milieux de soins et les centres de traumatologie pédiatrique pour faciliter le partage d'expertise.
Une question d'équité
«Nos résultats suggèrent qu'il y a place à de l'amélioration dans les soins dispensés aux jeunes victimes de traumatismes majeurs au Canada et il est urgent de s'y attaquer. Il ne faut pas accepter que l'accès à ces soins dépende de la province où un enfant vit au Canada», conclut-elle.
Les données qui ont servi aux analyses proviennent de neuf provinces canadiennes, excluant le Québec. «Les données québécoises existent et elles sont transmises à l'organisme fédéral chargé d'assurer leur intégration au niveau national, mais le Québec ne permet pas qu'elles soient utilisées pour la recherche. C'est dommage parce que le Québec a un réseau intégré en traumatologie et que sa performance est sans doute bonne par rapport aux autres provinces», souligne la professeure Moore.
L'article publié dans le CMAJ est signé par 23 scientifiques. Outre la professeure Lynne Moore, les autres signataires de l'Université Laval sont Alexandra Lapierre, Matthew Weiss, Émilie Beaulieu et Simon Berthelot, de la Faculté de médecine, et Mélanie Bérubé, de la Faculté des sciences infirmières.

























