Les voies de la science sont parfois impénétrables, dit-on. À preuve, le bimatoprost, un médicament utilisé pour soulager l'hypertension oculaire et pour donner des cils plus fournis, contribue maintenant à ouvrir de nouveaux horizons sur la compréhension et le traitement de l'obésité. Une nouvelle avancée en ce sens vient d'être réalisée par une équipe dirigée par Cristoforo Silvestri, professeur à la Faculté de médecine de l'Université Laval.
Le bimatoprost, commercialisé sous le nom de Lumigan, a été homologué aux États-Unis en 2001 pour le traitement de l'hypertension oculaire, un problème fréquent chez les personnes souffrant de glaucome. L'un des effets secondaires de ce médicament est qu'il induit une réduction de la taille des coussinets graisseux qui entourent le globe oculaire.
C'est cet effet secondaire qui a éveillé, il y a plus de 10 ans, l'intérêt du professeur Silvestri pour le bimatoprost et pour son analogue naturel produit par le corps, la prostaglandine F2α éthanolamide (PGF2αEA). Une récente étude qu'il vient de publier dans le Journal of Lipid Research avec Besma Boubertakh, Olivier Courtemanche, David Marsolais et Vincenzo Di Marzo décrit le mode d'action de ces molécules sur certaines cellules du tissu adipeux.
«Le bimatoprost et la PGF2αEA ont un effet sur les cellules précurseures du tissu adipeux, les préadipocytes, explique la doctorante en médecine moléculaire et première auteure de l'étude, Besma Boubertakh. Les préadipocytes se transforment en cellules adipeuses (adipocytes) à mesure qu'ils stockent des lipides. Les adipocytes ont toutefois une capacité limitée de stockage. L'accumulation excessive de lipides peut provoquer leur mort et enclencher une réponse inflammatoire dans l'organisme, un problème souvent associé à l'obésité.»
Les expériences menées par l'équipe du professeur Silvestri sur des cultures cellulaires ont montré que le bimatoprost et la PGF2αEA inhibent la différenciation des préadipocytes en adipocytes (processus appelé adipogenèse) et favorisent la multiplication des préadipocytes. En d'autres mots, ils stimuleraient la croissance en nombre des préadipocytes et ils préviendraient la croissance en taille des adipocytes.
L'action inhibitrice du bimatoprost et de la PGF2αEA sur l'adipogenèse laisse entrevoir, à moyen terme, une nouvelle façon de traiter l'obésité, estime Besma Boubertakh. «Nous croyons que le bimatoprost est un candidat potentiel pour traiter l'obésité parce qu'il favoriserait un stockage plus sain des graisses dans le corps», résume-t-elle.
Cette étude a été réalisée dans le cadre des travaux de la Chaire d'excellence en recherche du Canada sur l'axe microbiome-endocannabinoïdome dans la santé métabolique, dont le titulaire est Vincenzo Di Marzo.