Qu’est-ce que le bonheur? Est-il inné ou acquis? Sait-on vraiment ce qui nous rend heureux? Est-ce que les enfants ont une propension au bonheur? Quelles sont les interventions qui augmentent l’état de bonheur?
Le 17 novembre, dans le cadre des webinaires de la Faculté des sciences sociales de l’Université Laval, la professeure adjointe à l’École de psychologie Isabelle Denis a apporté plusieurs réponses à ces questions durant sa conférence en ligne intitulée «La psychologie positive ou la science du bonheur».
Selon elle, il existe de plus en plus de recherches scientifiques nous permettant de mieux comprendre comment améliorer notre état de bonheur. «La science du bonheur étudie ce qui rend les gens heureux ou plus heureux», explique celle qui accorde une place importante à la psychologie positive dans sa pratique clinique. «Je dirais que cette science est en expansion dans le moment, ajoute-t-elle. Aux États-Unis, notamment, il y a quelques laboratoires de recherche importants.» Selon Isabelle Denis, les études montrent que les traitements psychologiques ont de bons effets sur les symptômes des troubles de santé mentale, mais ils améliorent peu la qualité de vie ou le bonheur des patients/clients. «En ce sens, dit-elle, les interventions en psychologie positive peuvent être des adjuvants aux traitements des troubles de santé mentale. Par ailleurs, des études montrent que des intervenants plus heureux offrent des interventions qui ont de meilleurs résultats chez leurs patients/clients.»
Le bonheur peut se définir comme un état de grande satisfaction, de bien-être, de plénitude. Cet état mental peut survenir lorsqu’on est totalement absorbé par une activité, ce qu’on appelle le flow. Il peut également nous habiter lorsqu’on sert quelque chose de plus grand que soi, comme sa famille, sa religion, son pays. Plusieurs études scientifiques ont démontré que l’état de bonheur induit des bénéfices. Une meilleure productivité au travail, un mariage de plus longue durée, des interactions sociales plus riches, plus d’énergie en sont quelques exemples.
«On sait que notre santé mentale est beaucoup liée à notre santé physique, souligne la professeure Denis. Les personnes heureuses auraient un système immunitaire plus fort et des niveaux de stress moins élevés. Elles seraient plus créatives, aidantes. Elles auraient une meilleure confiance en soi, un meilleur contrôle de soi et de meilleures habiletés d’adaptation.»
Inné pour certains, acquis pour d’autres
La génétique expliquerait qu’environ la moitié des gens naîtrait avec des tempéraments plus propices au bonheur. Pour reprendre l’expression consacrée, ces personnes verraient leur verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. Un autre 40% de la population serait composé de personnes ayant une certaine prise sur leur niveau de bien-être par des pensées et des actes appropriés. Enfin, 10% des gens pourraient trouver un sens aux événements négatifs qu’ils vivent et le mettre à profit pour en faire bénéficier autrui.
Des enquêtes ont révélé que les enfants de 8 à 9 ans se sentent particulièrement heureux avec des animaux de compagnie, ensuite avec leurs parents, puis en faisant des loisirs. Entre 12 et 13 ans, les répondants mettent, eux aussi, les animaux de compagnie au premier rang de leurs sources de bonheur, suivis des objets matériels et des gens qui les entourent. Enfin, les 17-18 ans indiquent d’abord les animaux de compagnie, ensuite les gens, puis leurs réalisations personnelles.
L’argent, dit-on, ne fait pas le bonheur. «En consultation, raconte Isabelle Denis, on nous demande souvent ce qu’il faut faire pour être plus heureux. Une des choses qui reviennent dans la conversation consiste à avoir plus d’argent. Or si nos besoins de base sont comblés, au-delà de ça l’argent devient beaucoup moins un facteur associé au bonheur. Si on est relativement aisé sur le plan financier, avoir plus d’argent ne favoriserait pas nécessairement un plus grand bonheur.»
Dans ce monde matérialiste, les objets font-ils notre bonheur? «Les études, répond-elle, montrent qu’il est beaucoup plus intéressant de parler de nos expériences personnelles, avec les gens qui nous entourent, que des objets que nous nous sommes procurés. Il peut s’agir d’expériences relatives au fait de sortir de la routine, de sa zone de confort, de vivre un nouveau défi, de découvrir un nouvel endroit et autres. Ce qui rend heureux est d’être bien entouré, d’avoir autour de soi des gens avec qui on a des relations positives, qui offrent un soutien social, avec qui avoir du plaisir et avec qui on peut échanger sur des expériences personnelles.»
Comment augmenter son état de bonheur
Sortir à l’extérieur 30 minutes chaque jour, dormir suffisamment, aller en nature sont quelques-uns des nombreux exemples d’activités recommandées par la conférencière. Les autres consistent notamment à parler aux gens, à pratiquer un loisir et à méditer. Augmenter son état de bonheur passe également par se rappeler de bons moments, manifester de la gratitude et poser des gestes bienveillants.
«Les gens sont plutôt sédentaires, soutient-elle. Or l’activité physique amène de nombreux bienfaits, tant physiques que mentaux. Elle diminue le stress et va augmenter la concentration, la mémoire tout en améliorant l’estime de soi. Le fait de bien dormir va diminuer la probabilité de ressentir de l’anxiété ou de l’irritabilité. Fréquenter la nature va avoir un effet apaisant. C’est démontré scientifiquement. J’ai lu dernièrement que des médecins ont commencé à faire des ordonnances exigeant de leurs patients qu’ils sortent à l’extérieur et qu’ils aillent dans la nature. Le fait de parler le plus souvent possible à des gens, même si c’est seulement pour dire bonjour ou pour parler de la météo, augmente davantage notre état de bonheur que de rester dans son coin. Les loisirs sont des activités choisies librement. C’est une forme de repos, autant pour le corps que pour la tête, qui permet de récupérer des demandes physiques et cognitives. Les bienfaits que procure la pratique régulière de la méditation ressemblent aux bienfaits de l’activité physique.»
Augmenter son niveau de bonheur passe aussi par une utilisation limitée des réseaux sociaux. Selon la professeure Denis, une utilisation modérée de ces technologies peut améliorer les relations avec les pairs, élargir les possibilités sociales, augmenter les occasions de se confier et permettre d’apprendre de nouvelles habiletés. Chaque médaille ayant son revers, les réseaux sociaux fortement utilisés augmentent le stress, l’anxiété et les symptômes de dépression. «Les études démontrent également qu’ils diminuent l’estime de soi, explique-t-elle. Les réseaux sociaux sont liés à des problèmes de sommeil, comme l’insomnie. Dans les cinq minutes avant de dormir, 40% des jeunes utilisent un téléphone intelligent et 36% se réveillent au moins une fois pendant la nuit pour le consulter. Enfin, les réseaux sociaux peuvent augmenter les conflits parents-enfant et peuvent engendrer des difficultés sur le plan scolaire.»
En guise de conclusion, la conférencière rappelle qu’il est toujours possible de revoir ses priorités et de poser des gestes concrets qui s’approchent de nos valeurs ou du bonheur. «Il n’est jamais trop tard, affirme-t-elle. Il est également possible d’être heureux dans l’adversité et de modifier ses pensées négatives. N’oubliez pas d’avoir confiance en vos capacités d’adaptation. On est beaucoup plus adaptatifs qu’on le pense.»
Visionnez l’enregistrement de la conférence de la professeure Denis.