
Pour Ari Hoenig, arrivé de New York la veille, c'était un premier passage au studio d'enregistrement de la Faculté de musique.
— Yan Doublet - Université Laval
Il fallait le voir battre la mesure, le regard concentré. Figure importante du jazz aux États-Unis, Ari Hoenig a livré toute une performance, le 12 décembre au LARC, le Laboratoire audionumérique de recherche et de création de la Faculté de musique.
En plus du bassiste Carl Mayotte et des saxophonistes Aaron Wolf et Damien Jade-Cyr, le professeur en guitare François Rioux avait fait appel au batteur pour interpréter sa plus récente composition. Cette œuvre, qui a pour titre Le temps, s'inscrit dans un projet d'album en préparation.
Pour cette pièce, François Rioux a puisé dans l'univers du contrebassiste israélien Avishai Cohen, avec lequel Ari Hoenig a souvent joué et qui a déjà donné un concert à l'Université Laval. «La musique d'Avishai fait habituellement l'unanimité, même chez ceux qui ne connaissent pas le jazz, souligne le professeur. J'ai composé une pièce inspirée de lui. Au départ, je l'avais écrite pour guitare solo, juste pour me challenger. J'en étais fier, et je me suis demandé comment je pourrais l'adapter pour un groupe. Ouf… tout un défi!»
Un défi à la hauteur d'Ari Hoenig
Le musicien américain étant de passage à Québec pour un concert avec le bassiste Carl Mayotte, le professeur Rioux ne pouvait manquer l'occasion. Collaborer avec un batteur aussi sollicité dans le milieu du jazz représentait, pour lui, une chance de concrétiser un souhait de longue date.
«Ça fait longtemps que je voulais lui offrir de jouer une de mes compositions. Ari étant un drummeur extraordinairement doué – la crème de la crème –, je lui ai envoyé ma pièce la plus difficile!», raconte-t-il en riant.
Reconnu pour son jeu intense et sa grande maîtrise du rythme, Ari Hoenig a relevé le défi avec enthousiasme. «Je suis toujours ouvert à créer de nouvelles collaborations. Je n'avais jamais joué avec François. De toute évidence, il a mis beaucoup de réflexion dans sa musique. Sa pièce était claire, tout y était; c'est une musique exigeante.»

François Rioux, Carl Mayotte et Ari Hoenig
— Yan Doublet – Université Laval
Derrière la console, l'ingénieur de son Serges Samson n'en revenait tout simplement pas. Fixant Ari Hoenig à travers la vitre de la régie, il tentait tant bien que mal de suivre les changements rapides entre baguettes et balais pour ajuster les niveaux sonores en temps réel. Le jeu du batteur demandait une attention constante. «Je ne sais pas comment il fait. Je garde les yeux rivés sur ses mains; à un moment, il tient les baguettes, à l'autre, il a les balais. C'est fou!», lance-t-il.
Carl Mayotte, à qui on doit en quelque sorte la venue de cette sommité sur le campus, ne cachait pas sa joie de vivre une telle rencontre musicale. «Quel rêve! Quand j'étais étudiant, tout le monde adorait la musique d'Ari. Son jeu nous a tous marqués. Il m'a poussé à vouloir travailler certains concepts rythmiques. Selon moi, c'est quelqu'un qui a eu un impact aussi grand que des musiciens comme John Coltrane, mais sur la batterie moderne.»
Un studio à la fine pointe de la technologie
Pour Ari Hoenig, cette collaboration a permis de découvrir les installations de la Faculté de musique. Situé au pavillon Louis-Jacques-Casault, le LARC soutient autant la communauté facultaire dans la réalisation de ses projets que les musiciens et créateurs de l'industrie.
— Ari Hoenig

Le LARC, c'est son antre. Serges Samson, technicien en travaux d'enseignement et de recherche, est responsable de la qualité des enregistrements, de même que de l'édition et du mixage des pistes.
— Yan Doublet - Université Laval
À l'instar d'Ari Hoenig, de nombreux artistes réputés sont passés par le LARC, du groupe électropop Men I Trust à la chanteuse de gorge inuite Tanya Tagaq. L'endroit a aussi vu naître plusieurs albums encensés par la critique et l'industrie, que l'on pense à Consecration du pianiste et professeur Rafael Zaldivar, ou encore à Tempus Fugit de Marc-André Pépin.
Pour François Rioux, ces réalisations témoignent de l'importance du lieu pour la communauté artistique. «C'est un studio de très, très haute qualité. On est chanceux d'avoir ce lieu à l'Université. Avec mon groupe The Lost Fingers, j'ai pu y enregistrer deux pièces avec Biréli Lagrène, l'un des guitaristes jazz manouches les plus reconnus. Beaucoup de recherches de pointe se font ici avec des musiciens talentueux. Pour les étudiants, c'est extrêmement stimulant.»
Carl Mayotte peut en témoigner. Révélation Radio-Canada en jazz 2020-2021, le bassiste a passé de longues heures au LARC depuis son baccalauréat en interprétation jazz. «J'ai fait tellement de sessions ici, dont un projet étudiant de EP en 25 heures. Avoir accès à un lieu comme celui-ci, ça permet d'aller au fond de l'exploration sonore, de travailler avec des équipements parmi les meilleurs au Québec, de voir ce qu'est le top, et de toujours viser ça.»
Nul doute que cette session avec Ari Hoenig figurera désormais parmi ses plus beaux souvenirs du LARC. «Pour moi, c'est un peu une façon de boucler la boucle, revenir sur mon lieu d'études avec lui.»
























