3 novembre 2025
Quatre chiffres sur la violence et la négligence envers les enfants du Québec
Marie-Hélène Gagné, professeure à l'École de psychologie et coauteure du rapport La violence et la négligence familiales dans la vie des enfants du Québec, 2024 publié par l’Institut de la statistique du Québec, commente quelques données

Selon les estimations, environ 122 400 enfants québécois auraient subi, en 2024, de la négligence et 166 600 autres présenteraient un risque, ce qui représente près d'un enfant sur 5.
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52%
des enfants québécois entre 6 mois et 17 ans ont vécu au moins un type de maltraitance dans leur famille, dans les 12 mois précédant l'enquête
«Cette maltraitance, souligne Marie-Hélène Gagné, peut prendre différentes formes (agression psychologique répétée, violence physique, négligence, exposition à la violence entre ses parents ou avec un partenaire intime) et touche environ 840 000 enfants. Ce chiffre est plus élevé que ce que révèlent les bilans annuels de la protection de la jeunesse, ce qui suggère que de nombreux enfants vivent dans des situations de violence ou de négligence non signalées, à différents degrés de gravité. Même si ces situations ne sont pas toutes de nature à compromettre la sécurité ou l'intégrité de l'enfant, elles engendrent peur, insécurité et souffrance chez les enfants et peuvent entraîner des répercussions négatives sur leur santé et leur développement. En effet, les recherches scientifiques le démontrent: aucune négligence ou agression envers un enfant n'est anodine et sans conséquence.»
50 660
enfants du Québec ont vécu au moins un épisode de violence physique sévère
«Globalement, la violence physique a diminué au fil du temps, indique la professeure Gagné. La punition corporelle est de moins en moins présente dans les familles québécoises, passant de 47,7% en 1999 à 13,5% en 2024. Il y aussi une tendance à la baisse pour la violence physique sévère, qui a diminué de 6,5% en 1999 à 3,1% en 2024. C'est à la fois rassurant et inquiétant. Rassurant, parce que ces formes de violence sont moins acceptées socialement. Le lien entre des initiatives gouvernementales et communautaires spécifiques (par exemple, le Régime québécois d'assurance parentale, les Services intégrés en périnatalité et petite enfance, etc.) et une réduction de la violence envers les enfants est difficile à prouver directement, mais on peut quand même supposer qu'elles ont joué un rôle. Inquiétant, parce que la violence et la négligence affectent encore un trop grand nombre d'enfants en dépit des efforts.»
18%
des enfants québécois ont fait l'objet de négligence ou seraient à risque en 2024
«Selon les estimations, environ 122 400 auraient subi de la négligence et 166 600 autres présenteraient un risque, ce qui représente près d'un enfant sur 5. Une proportion similaire d'enfants (20,1%) sont exposés à la violence psychologique et physique qui sévit entre leurs parents, ou entre un parent et un partenaire intime. C'est énorme, surtout au vu des défis actuels: affaiblissement de la première ligne, sous-financement du réseau communautaire, débordements dans les services de protection de la jeunesse, centralisation toujours croissante de l'administration des services sociaux et de santé menant à une certaine déconnexion du terrain et morcellement des initiatives et des expertises. Il est temps que le Québec se dote d'un cadre éthique, scientifique et politique pour affirmer que la violence et la négligence familiales ne sont ni acceptables ni inévitables. Mes collègues et moi-même prônons l'adoption d'une déclaration nationale pour guider les alliances et les actions collectives, à l'image d'initiatives internationales comme le Manifeste de Séville sur la violence ou la Charte d'Ottawa pour la promotion de la santé», affirme Marie-Hélène Gagné.
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enquête de grande envergure sur la violence envers les enfants
«On pourrait penser, précise la professeure Gagné, qu'une telle enquête, qui repose sur une méthodologie rigoureuse et une étroite collaboration entre les organismes publics et les chercheuses et chercheurs, est courante en Occident. Mais non, c'est une initiative unique, qui n'a pas d'équivalent ailleurs au Canada ni dans le monde. C'est un trésor national. Depuis 1999, effectuée tous les 5 à 6 ans, elle fournit aux décideurs des informations précieuses pour prévenir et contrer la maltraitance envers les enfants.»
Le rapport La violence et la négligence familiales dans la vie des enfants du Québec, 2024. Les attitudes parentales et les pratiques familiales. Résultats de la 5e édition de l’enquête est cosigné par Marie-Ève Clément, Alexandre Morin, Marie-Hélène Gagné, Sylvie Lévesque, Annie Bérubé, Jasline Flores et Chantale Lecours. Il est publié par l'Institut de la statistique du Québec.
Propos recueillis par Manon Plante






















