
Christiant Gagné, professeur au Département de génie électrique et de génie informatique et directeur de l’Institut intelligence et données
— Sandrine Gilbert
«L'IA générative est probablement le plus important changement technologique depuis l'émergence d'Internet et du Web il y a 30 ans», affirme Christian Gagné, professeur au Département de génie électrique et de génie informatique et directeur de l'Institut intelligence et données (IID). À l'occasion du Rendez-vous IA Québec, qui se tiendra les 11 et 12 novembre au Terminal de croisières de Québec, il présentera une conférence intitulée «Plaidoyer pour une IA nationale».
Christian Gagné y développera les arguments en faveur de ces IA nationales et présentera le contexte technologique et sociétal qui les entoure, ainsi que les conditions nécessaires à leur réalisation.
La dépendance aux États-Unis
Un de ses arguments repose sur la dépendance du Canada et du Québec aux grandes compagnies comme Google, Apple et Microsoft, qui investissent de façon majeure en IA. «Il y a une domination économique et technologique qui vient des big tech de la côte ouest américaine», souligne-t-il.
Avec l'arrivée du président Trump et les grandes compagnies technologiques américaines qui se rallient derrière lui, le Canada est dans une situation délicate, selon le professeur Gagné. «On peut assez facilement être des victimes de chantage économique. Si le gouvernement américain décide de contrôler les accès, d'augmenter les coûts d'utilisation des modèles d'IA, on va en souffrir», soutient le chercheur.
Christian Gagné rappelle également l'existence du CLOUD Act. Cette loi, mise en place par les États-Unis au milieu des années 2000, donne le droit aux services de renseignement et gouvernementaux américains d'accéder aux données entreposées dans l'infonuagique de compagnies américaines, même si l'information est localisée sur des serveurs au Canada. «Si on y met des données sensibles, comme les données du système de santé québécois ou les données gouvernementales, elles ne sont pas protégées car, légalement, le gouvernement américain peut y accéder, explique le chercheur. C'est une attaque importante à la souveraineté numérique du Canada.»
L'IA nationale, une avenue accessible
Avant le début de l'année 2025, Christian Gagné et plusieurs de ses pairs avaient le sentiment d'être démunis face aux géants de l'IA, mais l'émergence de modèles concurrentiels développés avec beaucoup moins de ressources a montré que c'était plus accessibles qu'ils ne le croyaient. Le chercheur donne l'exemple de DeepSeek, développé en Chine, ou Mistral, en France. «Ça veut dire qu'on est finalement capable de faire de l'IA avec beaucoup moins de ressources. On n'a pas besoin d'être une grande compagnie américaine pour y arriver», lance-t-il.
Les modèles d'IA dit open source, c'est-à-dire dont le code ou le résultat de l'entraînement est en libre accès, sont une avenue intéressante pour développer une ou des IA nationales avec moins de moyens. Christian Gagné prévient toutefois que ces modèles sont souvent inadaptés à l'identité linguistique et culturelle québécoise et qu'on peut faire mieux. «On a tout intérêt à aller de l'avant vers le développement de nouveaux modèles performants dans un contexte de français québécois, notamment en ce qui concerne les expressions. Ça nous positionnerait favorablement pour le futur.»
Le chercheur soutient que deux grandes universités suisses ont développé un modèle d'IA, Apertus. Elles «ont proposé ce modèle qui est multilingue, souverain, qui a été entraîné entièrement en Suisse et qui est mis à la disposition du monde. Ce n'est pas le modèle le plus performant, mais c'est la version 1.0. La preuve de concept est là», soutient Christian Gagné.
Un événement d'envergure en IA
Considérant que les IA génératives ont le potentiel de transformer la société, l'économie et l'éducation, Christian Gagné souligne la pertinence du Rendez-vous IA Québec, organisé par l'IID et Québec International. «Ça permet aux personnes qui ont un intérêt sérieux pour l'IA d'avoir une discussion avec les différents acteurs, du niveau régional au niveau national, de voir comment ça se développe actuellement et de prendre le pouls.»
En amont des deux jours de conférences, des classes de maître se dérouleront à l'Université Laval le lundi 10 novembre. «On va vraiment des bases de l'IA, pour comprendre ce qui est nécessaire pour qu'une organisation l'adopte, jusqu'à une classe de maître très avancée pour bâtir son modèle d'IA générative, précise Christian Gagné. On a tout le spectre de formations.»
Consulter la programmation du Rendez-vous IA Québec






















