Fin août, des représentants de groupes de presse et de syndicats, ainsi que des experts comme Colette Brin, la directrice du CEM, ont tenté de dresser un portrait de la situation en commission parlementaire et d’imaginer des pistes de solution. Ce fut l’occasion pour la professeure au Département d’information et de communication et Bernard Descôteaux, le président du Conseil d’administration du CEM, d’illustrer par des chiffres précis l’ampleur de la crise qui frappe la presse québécoise. La chercheuse et l’ancien rédacteur en chef du Devoir ont ainsi rappelé aux députés qu’entre 2012 et 2017, les revenus publicitaires des quotidiens au Québec ont chuté de 53%. Durant cette période, les entreprises ont donc perdu 285 millions de dollars. Pas étonnant dans ces conditions que la marge bénéficiaire des entreprises de presse soit passée de 14,4% en 2010 à -0,1% 6 ans plus tard.
«Traditionnellement, en Amérique du Nord, l’État ne subventionne pas la presse écrite, car on considère que le marché doit réguler ce secteur, remarque Colette Brin. Cependant, j’ai senti une grande ouverture des parlementaires, tous partis confondus, pour une aide aux médias.» Si la plupart des acteurs s’entendent sur la nécessité de protéger l’information, les moyens à prendre pour y parvenir, eux, ne font pas consensus. Taxer les multinationales des médias sociaux, qui ont drainé une grande partie de la publicité vers le numérique? Possiblement, mais pas avant que le Canada ait lui-même reçu la décision de l’Organisation de coopération et de développement économiques sur le sujet.
Autre suggestion: alléger la masse salariale des salles de rédaction en recourant à des mesures fiscales. Le gouvernement libéral canadien a promis d’agir dès 2020, mais si bien sûr il garde le pouvoir. De plus, tous les médias ne peuvent accéder à une telle mesure. «Par exemple, on s’est aperçu qu’il est impossible pour un organisme comme Les Amis du Devoir de remettre des reçus fiscaux fédéraux pour don de charité, souligne la professeure. De son côté, La Presse, devenue un organisme sans but lucratif, peut le faire. Les journaux francophones hors Québec risquent quant à eux de ne pas être admissibles à un tel programme, car leurs moyens limités les empêchent de payer leurs journalistes toute l’année.»
Selon la directrice du Centre d’étude sur les médias, il faut donc bien réfléchir aux moyens à déployer pour que l’aide publique éventuelle s’applique à tous de façon simple, rapide et selon des critères transparents. Et ce, sans perdre de vue que la présence d’un quotidien dans une région contribue à la vigueur d’une communauté puisque d’autres médias comme la radio ou la télévision s’en nourrissent souvent. Si le principal fournisseur de nouvelles tombe, le reste de l’écosystème médiatique risque de moins bien se porter.
Plus d’information sur le Centre d’études sur les médias:
https://www.cem.ulaval.ca/