Le 1er juin dernier à Washington, au plus fort des manifestations contre les violences policières, le président Donald Trump s’est positionné devant une église épiscopale avec une Bible à la main. Pour André Gagné, professeur au Département d’études théologiques de l’Université Concordia, cette mise en scène s’adressait, à quelques mois de la prochaine campagne électorale présidentielle, à sa base protestante évangélique, une force politique chrétienne ultra-conservatrice représentant des millions d’électeurs.
«Le message que Trump a envoyé à ceux qui le soutiennent est que lui, l’homme de la loi et de l’ordre, est mandaté par Dieu, explique-t-il. D’ailleurs, certains évangéliques le comparent aux figures prophétiques de l’Ancien Testament choisies par Dieu pour accomplir sa volonté.»
Cet élément d’actualité sera abordé le jeudi 20 août par le professeur Gagné dans le cadre d’un séminaire connecté organisé par la Chaire de leadership en enseignement Marcelle-Mallet en exégèse biblique de l’Université Laval. Le thème de sa présentation sera «Ces évangéliques qui soutiennent Trump: projet socio-politique, démonisation et fin du monde». Dans quelques semaines, le professeur publiera un livre sur ce thème aux éditions Labor et Fides.
Les évangéliques américains ont en commun d’avoir expérimenté une renaissance spirituelle. Ils ont joué un rôle de premier plan dans l’élection de Donald Trump en 2016. Parmi ces «born again – nés de nouveau», les personnes de race blanche ont voté à 81% en faveur du candidat républicain. Parce qu’elle forme un bloc compact, la droite religieuse peut se mobiliser facilement pour inciter les pro-Trump à aller voter.
Durant son premier mandat, le président a consolidé ses liens avec cette importante partie de sa base électorale. Il a répondu à certaines attentes des évangéliques, notamment en nommant deux juges conservateurs à la Cour suprême et en transférant l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem, la ville biblique, une promesse faite par plusieurs présidents américains. En juin dernier, il a signé un décret sur la promotion de la liberté religieuse dans le monde. En janvier, Trump a été le premier président à participer à la Marche pour la vie, la plus importante activité annuelle anti-avortement aux États-Unis.
Selon André Gagné, la droite religieuse américaine ferme les yeux sur le manque d’éthique de Donald Trump, trop heureuse de ne plus avoir à supporter Barack Obama, lequel était notamment en faveur de l’avortement et du mariage de personnes de même sexe.
«L’entourage immédiat du président Trump ne cache pas son ouverture à la droite chrétienne, poursuit-il. Beaucoup associent le vice-président Mike Pence à la mouvance évangélique. Le secrétaire d’État Mike Pompeo adhère clairement à ces idées. Le président a même une conseillère spirituelle personnelle, qu’il consulte régulièrement, Paula White-Cain.»
L’idéologie des évangéliques s’articule autour d’un projet sociopolitique hégémonique. «Dans ce projet de nature théocratique, le chrétien se voit mandaté par Dieu pour prendre possession et dominer les sphères de la culture au sens large, comme la politique, l’éducation, la famille, les médias, l’économie et les arts, explique le professeur. Ils veulent ramener leur pays à ses bases judéo-chrétiennes, au mythe d’un pays jadis chrétien fondé par les puritains anglais. Par la prière à l’école et l'enseignement du créationnisme, ils veulent une transformation sociale à leur image.»
Dans le monde politique américain, reflet d’une société pluraliste et d’une démocratie libérale, la droite chrétienne mène un combat en faveur des valeurs traditionnelles judéo-chrétiennes. «C’est une lutte contre le sécularisme, affirme André Gagné, une sorte de combat pour l’âme de l’Amérique. Selon leur lecture de la Bible, le chrétien est aux prises avec des forces surnaturelles, invisibles, qui ont une influence sur sa vie.» Selon lui, cette lutte a pris une couleur démonisante avec Trump. «Certains évangéliques qui soutiennent Trump, dit-il, utilisent le langage du combat spirituel, lequel est polarisant, en associant les adversaires politiques du président au diable.»
De nombreux partisans évangéliques croient que la fin du monde est proche et que le Christ reviendra bientôt sur Terre. «Ils ont une manière particulière de lire la Bible, souligne le professeur. Ils interprètent les événements géopolitiques actuels comme l’accomplissement d’anciennes prophéties bibliques. D’où l’importance accordée à Israël. Le déménagement de l’ambassade américaine à Jérusalem constitue pour eux un moment important avant le retour du Christ.»
Une chaire dynamique
La Chaire de leadership en enseignement Marcelle-Mallet en exégèse biblique a vu le jour en 2018. À ce jour, elle a organisé 20 séminaires connectés. Selon le titulaire Sébastien Doane, les webinaires sont de plus en plus populaires. «Le premier regroupait 40 personnes, explique-t-il, le dernier en a rejoint 199. Il y a des Québécois, mais aussi des personnes d’Haïti, de France, de l’île Maurice. Notre liste d’envois regroupe plus de 1200 personnes qui ont participé à un ou plusieurs de nos séminaires.»
Cette formule présente de nombreux avantages. «On a commencé les rencontres virtuelles avant que ce soit la mode!, dit-il. Elles permettent de montrer à un plus large public ce qui se fait en études bibliques à l’Université Laval et dans les réseaux avec lesquels on collabore. Parmi les 199 personnes présentes au dernier séminaire, il y avait quelques étudiants actuels de l’Université Laval, des diplômés et surtout des personnes qui s’intéressent au sujet et qui pourraient un jour entrer dans un de nos programmes d’études. Les webinaires permettent aussi de développer des partenariats avec des organismes comme SOCABI et avec des chercheurs d’autres milieux.»
La Chaire a un site Web. Elle a aussi une chaîne YouTube avec 375 abonnés et une cinquantaine de vidéos. Une douzaine d’étudiants réalisent leurs travaux de maîtrise ou de doctorat au sein de la Chaire. Plusieurs cours en études bibliques ont été bâtis pour être suivis à distance selon diverses modalités. Enfin, deux rencontres interreligieuses ont eu lieu: une réflexion croisée sur Jésus dans son contexte juif et une table ronde sur les religions et l’écologie.
Quand? Jeudi 20 août 2020 de 14h à 15h30
Inscription gratuite
Connexion: https://classevirtuelle.ulaval.ca/rj1kvyhbbdyz/?proto=true
Information: sebastien.doane@ftsr.ulaval.ca