Une équipe de chercheurs, dont plusieurs sont rattachés à l'Institut de biologie intégrative et des systèmes, vient de séquencer le génome de la spongieuse asiatique, une espèce de papillon qui menace les forêts canadiennes. Cette percée, qui fait l'objet d'une publication dans la revue Scientific Reports, ouvre la porte à la mise au point de nouveaux outils de dépistage et de lutte contre ce ravageur exotique.
La spongieuse asiatique est un insecte originaire de Chine, de Russie, de Corée et du Japon. Signalée pour la première fois au Canada à Vancouver en 1991, elle a fait depuis plusieurs incursions dans les ports du pays, mais elle ne s'est pas encore installée de façon permanente. La femelle pond ses oeufs sur le pont des cargos ou sur les conteneurs qu'ils transportent. Les larves qui en sortent peuvent être portées par le vent sur des distances suffisantes pour faire craindre des invasions. Cette espèce ne fait pas la fine bouche: son menu inclut plus de 500 espèces végétales. Pour cette raison, le Service canadien des forêts a placé son nom sur la liste des 10 ravageurs exotiques qu'il faut étudier en priorité.
Le séquençage du génome de la spongieuse asiatique réservait deux surprises aux chercheurs. La première : son génome est le plus volumineux jamais rapporté chez un lépidoptère. «Il fait plus de 900 mégabases, soit le double de celui du papillon qui vient maintenant au 2e rang. À titre comparatif, c'est environ le tiers du génome humain», signale l'un des auteurs de l'étude, Roger Levesque, de la Faculté de médecine.
Si son génome est si volumineux, c'est en raison de l'omniprésence de séquences répétitives. «Elles représentent 60% de son génome, précise le chercheur. Chez les autres lépidoptères, ce taux va de 10 à 30%. On ignore pour le moment à quoi servent toutes ces séquences répétitives.»
Ce que le chercheur sait par contre est que ces répétitions ont compliqué les opérations de séquençage. «Les logiciels d'analyse ne parvenaient pas à assembler les fragments d'ADN que nous obtenions dans les régions avec séquences répétitives. C'était comme si les morceaux du casse-tête se ressemblaient trop.» Le premier auteur de l'étude, François Olivier Hébert, a dû faire preuve d'ingéniosité pour créer un logiciel capable d'assembler ces fragments dans un tout cohérent.
La deuxième surprise qui attendait les chercheurs est que le génome de la spongieuse asiatique contient beaucoup de gènes associés à la production d'énergie, en particulier à la thermogenèse. «Cette particularité fait de ces insectes des envahisseurs redoutables étant donné que ces gènes leur permettent de croître rapidement, d'être très mobiles et de demeurer actifs même lorsque la température se refroidit», signale le professeur Levesque.
La connaissance détaillée du génome de la spongieuse asiatique permettra la mise au point de méthodes de dépistage fiables pour cette espèce, avance le chercheur. «Ces outils faciliteront le travail des gens qui surveillent l'arrivée de ce ravageur au pays. Il existe plusieurs espèces de spongieuses et il n'est pas facile de les identifier à partir des caractéristiques visuelles des oeufs.» De plus, il sera maintenant possible d'envisager la mise au point de moyens de lutte qui reposent sur la biologie de cette espèce. «On pourrait, par exemple, produire des inhibiteurs qui ciblent spécifiquement des gènes essentiels au développement de ces insectes.»
Les auteurs de l'étude parue dans Scientific Reports sont François Olivier Hébert, Luca Freschi, Gwylim Blackburn, Brian Boyle, Richard C. Hamelin et Roger C. Levesque, de l'Université Laval, Catherine Béliveau et Michel Cusson, du Service canadien des forêts, Ken Dewar, de l'Université McGill, et Dawn E. Gundersen-Rindal et Michael E. Sparks, du United States Department of Agriculture.