Jean Désy revient à la charge chez Mémoire d’encrier avec Non je ne mourrai pas, un poème qui prend la forme d’un monologue intérieur. Le personnage, grièvement blessé après un accident de motoneige au Nunavik, livre ses pensées alors qu’il lutte contre le froid, la faim et les animaux sauvages. Le résultat est un recueil vivant et poignant qui rappelle la fragilité de l’homme face à l’immensité et la rudesse de la nature.
Pour le poète, médecin et enseignant à la Faculté de médecine, ce livre est une façon d’affronter sa peur de la mort. De son propre aveu, l’écriture fut extrêmement ardue. «La mort est un thème qui me trouble depuis que je suis jeune. Je ne pensais pas, en finissant mes études en médecine, que j’aurais un contact si précis, si aigu et si souffrant avec les mourants. La mort elle-même est une chose, mais la préoccupation du néant, de l’autre vie, de l’après-vie ou de la résurrection possible, voilà un thème nettement plus complexe, mais essentiel.»
Inspiré par les textes de grands philosophes, l’auteur a plongé dans ses réflexions sur la mort avec comme toile de fond le décor nordique. Comme c’est le cas dans plusieurs de ses autres livres – Le coureur de froid, Tuktu et Au nord de nos vies, entre autres – il décrit avec éloquence les paysages, la faune et le climat du Nord. Il a aussi intégré à son poème des mots et des expressions en inuktitut, ce qui confère au récit une authenticité et lui permet de jouer avec la musicalité de cette langue.
Le Nunavik est un territoire que Jean Désy connaît bien pour y avoir fait de multiples séjours depuis trente ans. «Si je n’avais pas connu la toundra, les froids extrêmes et les gens du Nord, mon activité littéraire aurait été rapetissée, voire inexistante, affirme-t-il. Mon rapport poétique au monde est exalté par le Grand Nord québécois. C’est le lieu où mon âme a volé avec le plus d’intensité, où j’ai ressenti quelque chose de l’ordre de la spiritualité, que je n’ai jamais perçu ailleurs.»
À cause de la pandémie, ce nomade invétéré a dû mettre ses pérégrinations nordiques sur pause. Il se rabat sur son chalet dans la Vallée Bras-du-Nord, dans Portneuf, où il se rend chaque semaine pour profiter des joies hivernales. «Là-bas, j’ai le sentiment d’être à côté des anxiétés collectives liées à la pandémie. J’y croise des gens qui font du fat bike, des marcheurs, des familles. Tout le monde est content. C’est là que je peux continuer à vivre. Sinon, je me sentirais près de la catastrophe.»
Entre les séances d’écriture de son prochain roman, l’enseignement occupe aussi une place de choix dans son horaire. «Mon premier cours de littérature a eu lieu la semaine dernière. J’ai aussi donné deux cours de médecine. Être en contact avec des jeunes et leur parler de littérature et de médecine, même à distance, me procure une joie folle. Enseigner, c’est ma vocation», dit-il.
Dans son enseignement comme dans ses livres, Jean Désy espère donner un sens au monde avec l’art. C’est pourquoi, depuis 20 ans, il fait lire La Peste à ses étudiants. Ce roman d’Albert Camus, qui raconte la vie confinée des habitants d’Oran durant une épidémie, n’aura jamais autant résonné dans l’actualité. «Ce livre est un pur chef-d’œuvre. Chaque année, il fait l’unanimité auprès des étudiants. Avec la pandémie, c’est encore plus marquant. Faire lire La Peste ces temps-ci n’est pas anodin. Même si le roman a été écrit il y a plus de 70 ans, chaque phrase de Camus trouve sa place en cette période de crise.»