Poétesse et comédienne, Erika Soucy en a surpris plus d’un avec Les murailles, son premier roman dans lequel elle dépeint avec réalisme le phénomène du fly-in/fly-out à La Romaine, où des travailleurs s’établissent le temps d’un contrat. Ce livre, transposé au théâtre, lève le voile sur les raisons qui poussent tous ces hommes à délaisser leur famille pour les chantiers du Nord.
Ce projet, à l’instar de tous les autres de l’artiste, est marqué par un grand attachement pour la Côte-Nord, d’où elle est originaire. «Écrire sur le territoire, ça me vient de façon naturelle, ce n’est pas réfléchi. La Côte-Nord, c’est ce qui me définit comme artiste et comme personne. Ça m’a pris du temps à comprendre que ce territoire d’où je viens est une grande richesse», dit-elle.
Le 28 novembre, Erika Soucy était de passage à l’Université Laval pour une causerie avec des étudiants en littérature. Elle était invitée par le professeur René Audet, dont le séminaire Écrire le lieu porte sur les liens entre l'écriture et l’espace. «Erika Soucy possède une voix forte parmi cette jeune génération d'auteurs, faisant une place singulière à un imaginaire de la Côte-Nord, dans ses espaces et dans les singularités de la langue orale. C'était là une belle occasion de faire découvrir aux étudiants une figure qui méritera d'être suivie», souligne le professeur Audet.
C’est avec enthousiasme et un brin de fébrilité que l’auteure a accepté son invitation. «N’ayant pas fait d’études universitaires, c’est ma façon de démystifier ce milieu. Pour moi, il existe une aura mystique autour de l’université. Chaque fois que j’y entre, j’ai le sentiment d’être dans un temple. C’est un honneur d’être invitée à l’Université Laval et de pouvoir parler des gens de chez nous, la Côte-Nord étant une région où il n’y a pas d’université et où le rapport à l’éducation est très différent.»
La conférence, conviviale, a porté sur son parcours et sa vision de la littérature. Née en 1987 à Portneuf-sur-Mer, Erika Soucy a quitté la Côte-Nord à 12 ans pour Québec, où elle a étudié au Conservatoire d’art dramatique. Avec l’écriture, elle a trouvé une façon de marier sa créativité aux lieux qui l’ont vu grandir.
— Erika Soucy
Dans ses récits, Erika Soucy se fait un devoir de conserver l’authenticité des univers qu’elle dépeint. «D’un projet à l’autre, j’essaie d’aborder l’oralité et les références propres au milieu. Les murailles est écrit dans la langue des travailleurs de la construction. Pour moi, c’est une forme de respect que d’avoir mis leurs expressions, ces mots de prolétariat dans un livre.»
L’écrivaine se réjouit de l’intérêt grandissant des Québécois pour la réalité nordique. Ce Nord, longtemps oublié, fait maintenant l’objet de livres, de pièces de théâtre, de documentaires, de projets de recherche. Pour elle, il est essentiel de s’intéresser aux multiples richesses de cette région. «Avec la mondialisation, Amazon, Netflix et toute la culture qui provient des États-Unis, notre identité québécoise se trouve beaucoup en région, selon moi. Cette culture est précieuse et il faut voir comment on peut se l’approprier, la réinventer et la faire évoluer, tout pour ne pas la rendre poussiéreuse.»
Son conseil aux étudiants qui aspirent à une carrière d’écrivain? «Parlez de ce que vous connaissez. N’hésitez pas à aborder des sujets qui sont près de vous. L’écrivaine Marie-Andrée Gill, que j’aime beaucoup, a déjà dit lors d’une table ronde à laquelle je participais: quand t’écris et que tu ne te sens pas bien, que tu hésites à aborder telle ou telle chose, c’est ça qu’il faut que tu dises. Elle est là, la littérature.»