«Ce roman relève d'un travail de reconstruction de fragments d'histoire et de mémoire. Jusqu'à son décès, ma mère me parlait très peu de son enfance. Son histoire, qui est aussi celle de gens aux surnoms étranges d'un petit coin de terre où elle a été élevée, m'a échappé. Avec ce livre, j'ai tenté de remettre des morceaux manquants en place, d'où la forme d'écriture par tableaux ou par séquences que le lecteur doit rapiécer», explique-t-elle.
Avec des personnages comme La Sourde, Phirin l'infirme, le Cordonnier-pas-de-pattes et le grand-père barbier, son roman présente un univers qui se rapproche de celui du conte. Empreint de poésie, il nous transporte «sur l'île», un territoire isolé où s'entrecroisent les destins de tous ces protagonistes. «Sylvie Nicolas a une plume et une manière de raconter qui sont très particulières, affirme son directeur de thèse, le professeur en création littéraire Alain Beaulieu. Elle écrit par fragments, comme de petites touches. Au fil de la lecture, on fait des liens entre différents éléments du récit et on découvre une galerie de personnages tout à fait savoureux et atypiques dans un coin de pays reculé. L'écriture de Sylvie Nicolas est vive et belle. À mon avis, c'est son roman le plus réussi.»
Le compliment n'est pas anodin considérant le parcours impressionnant de l'auteure. Femme de lettres accomplie, Sylvie Nicolas compte à son actif près d'une trentaine d'ouvrages, particulièrement en littérature jeunesse et en poésie. Elle a été deux fois finaliste au prix du Gouverneur général et a été la première lauréate du prix Jean-Noël Pontbriand, créé par le Printemps des poètes et l'Université Laval en 2013. Son livre Les variations Burroughs, écrit durant sa maîtrise en études littéraires, avait conquis la critique et le public.
Si elle a poursuivi ses études au doctorat, c'est pour réfléchir à sa pratique. Après plusieurs années consacrées aux romans et à la poésie, une question l'obsédait: pourquoi écrire? «J'avais besoin de comprendre ce qui motivait ce besoin. Ces années d'études m'ont permis d'avoir une meilleure compréhension des éléments qui composent mon écriture. On pourrait croire que cette approche théorique modifierait ou colorerait ma façon d'écrire, mais ce n'est pas le cas. L'étrange configuration de mon écriture a trouvé ses réponses dans les recherches.»
Pour cela, sa rencontre avec le professeur Alain Beaulieu, lui-même auteur prolifique, a été déterminante. «Il est un directeur de création absolument exceptionnel. Alain Beaulieu a une capacité de lecture très forte et un flair incroyable pour trouver les zones qui doivent être éclairées. Il n'impose pas sa vision, mais reste à l'écoute et demeure attentif aux voies qui s'annoncent. C'est un privilège d'avoir été accompagnée par ce professeur», dit l'étudiante, qui a soutenu sa thèse à la fin août.
Comme un projet n'attend pas l'autre, elle termine en ce moment la traduction d'un roman de Drew Hayden Taylor, Funny, You Don't Look Like One. Le lancement aura lieu à l'occasion du prochain Salon du livre des Premières Nations, du 23 au 26 novembre. Par la suite, l'auteure entreprendra un retour vers la poésie. Elle prévoit aussi rassembler certains textes déjà écrits pour constituer un recueil.
Femme de lettres accomplie, Sylvie Nicolas est romancière, poétesse, écrivaine pour la jeunesse et traductrice littéraire.
Photo: Marc Robitaille