Les oméga-3 pourraient freiner la croissance des tumeurs de la prostate et c'est par l'intermédiaire du microbiote intestinal qu'ils exerceraient leur action. C'est ce que suggère une étude publiée dans Nature Communications par une équipe de recherche de l'Université Laval, de l'Université McGill et de la Uniformed Services University of the Health Sciences.
Les chercheurs arrivent à cette conclusion après avoir examiné sous plusieurs angles le lien entre le microbiote intestinal et l'agressivité des tumeurs de la prostate. Dans un premier temps, ils ont analysé le microbiote intestinal de 62 hommes qui avaient reçu un diagnostic de cancer de la prostate et qui étaient en attente d'une résection de la prostate. Après la chirurgie, les chercheurs ont subdivisé les patients en trois groupes sur la base du volume de leur tumeur. Leur constat: les patients qui avaient une tumeur dont le volume se situait dans le tiers supérieur avaient un microbiote 8% moins diversifié que les patients dont la tumeur se situait dans le tiers inférieur.
Dans un deuxième temps, les chercheurs ont procédé à l'analyse du microbiote intestinal de 47 hommes qui avaient subi une résection de la prostate cinq ans plus tôt. Les patients qui montraient des signes de récidive du cancer avaient un microbiote intestinal davantage altéré. «D'une part, la biodiversité de leur microbiote était 18% plus faible que celle des patients sans récidive. D'autre part, certains groupes de bactéries étaient surreprésentés par rapport à ce qui était observé chez les patients sans récidive du cancer», souligne le responsable de l'étude, Vincent Fradet, professeur à la Faculté de médecine de l'Université Laval et chercheur à l'Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels et au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval.
Les chercheurs ont ensuite transplanté le microbiote intestinal de patients ayant un cancer de la prostate agressif à des souris modèles utilisées pour étudier ce cancer. «Nous avons constaté que cette transplantation fécale stimulait la croissance des tumeurs de la prostate chez les souris, ce qui suggère qu'il existe une forme de communication entre le microbiote intestinal et le cancer de la prostate», avance le professeur Fradet.
Enfin, les chercheurs ont recruté 41 hommes qui avaient subi une biopsie pour un cancer de la prostate et qui étaient en attente d'une résection de la prostate. Ils ont demandé à 21 d'entre eux de prendre des suppléments d'oméga-3 jusqu'au moment de la chirurgie, qui a eu lieu 7 semaines plus tard en moyenne, alors que les autres devaient prendre un placebo.
Le grade de leur tumeur, qui est une mesure de l'agressivité du cancer, a été évalué au moment de la biopsie et au moment de la résection, signale le professeur Fradet. «Il y a eu une réduction du grade de la tumeur chez 19% des sujets du groupe oméga-3 contre 5% dans le groupe témoin. Par ailleurs, nous avons observé une augmentation du grade de la tumeur chez 10% des sujets du groupe oméga-3 contre 30% dans le groupe témoin.»
Les chercheurs ont constaté que la prise d'oméga-3 avait produit une diminution de l'abondance d'une famille de bactéries appelée Ruminococcaceae dans les selles des patients. Cette diminution était associée à un risque plus faible d'augmentation du grade de la tumeur. Des études ont déjà montré que ces bactéries augmentent le risque de croissance rapide du cancer de la prostate. Elles accroissent aussi le risque de résistance aux traitements hormonaux parce qu'elles transforment des précurseurs d'androgènes en androgènes, des hormones qui stimulent le cancer de la prostate.
«La plupart des cancers de la prostate progressent lentement, rappelle Vincent Fradet. Comme la résection de la prostate et la radiothérapie ont des impacts négatifs sur la qualité de vie des patients, il serait intéressant de pouvoir compter sur des interventions qui retardent le moment où il faut y recourir. Nos résultats suggèrent que la consommation d'oméga-3 pourrait être une façon simple et non invasive de ralentir la progression du cancer de la prostate. La démonstration clinique de cette hypothèse reste toutefois à faire», conclut-il prudemment.