8 janvier 2024
Quand l'identité s'effrite
Le metteur en scène et chargé de cours Jean-François F. Lessard s'attaque à l'univers délicieusement décalé de l'écrivain Larry Tremblay
Hubert Bolduc et Mathieu Bérubé-Lemay en répétition pour la pièce Le déclic du destin
— Vincent Champoux
Les spectateurs du théâtre Périscope auront droit non pas à une, mais à deux pièces du 16 au 27 janvier: Le déclic du destin et Le problème avec moi, à l'affiche dans un programme double.
Directeur général et artistique d'Entr'actes, Jean-François F. Lessard signe la mise en scène de ces œuvres écrites par Larry Tremblay à près de 20 ans d'écart, l'une en 1988 et l'autre en 2007.
«Les deux pièces mettent en scène le même personnage, explique Jean-François F. Lessard. Dans Le déclic du destin, on est dans un univers cauchemardesque, quelque part entre le rêve et la réalité. La pièce est en quelque sorte une métaphore de l'identité qui se fragmente et s'ouvre vers autre chose. C'est du Larry Tremblay: une dramaturgie ouverte qui permet au spectateur de faire sa propre interprétation.»
Pour ce qui est du Problème avec moi, ce personnage, Léo, est en discussion avec un homme qui lui ressemble à s'y méprendre et avec qui il partage une fascination pour le film Psycho d'Alfred Hitchcock. Ces coïncidences l'amèneront à se questionner sur sa propre identité. «C'est une comédie éclatée qui demeure très divertissante, ajoute le metteur en scène. Rapidement, les spectateurs comprennent qu'on ne peut pas tout comprendre!»
Mathieu Bérubé-Lemay, Paul Fruteau de Laclos et Hubert Bolduc
— Vincent Champoux
Entr'actes étant un organisme qui se spécialise dans la production artistique avec des personnes en situation d'handicap, Jean-François F. Lessard a été interpellé par les thèmes du questionnement identitaire et de la différence qui ressortent de l'univers de Larry Tremblay. «Depuis que je travaille chez Entr'actes, soit 21 ans, les questions de la case et de la marge me touchent; qu'est-ce qui constitue un être humain? Pourquoi a-t-on tendance à regarder certaines personnes comme des exclus? Ces gens ont des limitations, certes, mais qui n'en a pas?»
Cette nouvelle création d'Entr'actes marque une énième collaboration entre Jean-François F. Lessard et le comédien Mathieu Bérubé-Lemay. Atteint du syndrome d'Asperger, cet ancien étudiant en traduction et en langue allemande a tenu le rôle principal de Matéo et la suite du monde en 2016, en plus de participer à plusieurs autres pièces. «Mathieu est un comédien formidable. Comme c'est le cas pour plusieurs participants d'Entr'actes, il pourrait jouer dans n'importe quel spectacle du milieu culturel. Ces dernières années, il a pris beaucoup d'expérience. Maintenant, il touche au défi du théâtre de répertoire avec un niveau de langue particulier.»
En plus de Mathieu Bérubé-Lemay, le metteur en scène a fait appel à Hubert Bolduc, Geneviève Breton, Paul Fruteau de Laclos et Jean-François Plante, qui jouent chacun une version du personnage de Léo. «En lisant Le problème avec moi, j'ai proposé à Larry Tremblay que le personnage soit joué non pas par deux, mais par cinq acteurs. J'aime l'idée d'un quintette. Chacun a son casting et son énergie.»
Depuis quelques semaines, le metteur en scène tient un journal de bord dans lequel il partage réflexions et photos de répétition. Cette initiative permet au public de découvrir sa démarche créative et l'envers du décor de la production. Le tout est disponible sur le site d'Entr'actes.
Jean-François F. Lessard
— Vincent Champoux
De la scène à l'enseignement
Jean-François F. Lessard est chargé de cours en enseignement des arts à l'Université Laval depuis 2003. Chaque année, il donne un cours de mise en scène et un atelier d'initiation au jeu dramatique. «L'objectif principal est d'avoir du plaisir. Plusieurs étudiants inscrits à l'atelier en viendront à enseigner à leur tour l'art dramatique à des élèves du primaire ou du secondaire. Leur but sera de leur faire aimer le théâtre. Dans le cours de mise en scène, on approfondit davantage les codes et stratégies de cet art, ce qui donne souvent de beaux résultats.»
Indéniablement, son travail de metteur en scène et de directeur artistique d'Entr'actes influence son enseignement et vice-versa. «J'aime ma réalité d'être un praticien qui enseigne, dit-il. Chaque année, mes cours changent parce que ma pratique, mes réflexions et mes façons de travailler avec les acteurs évoluent. Tout ça se transmet par l'enseignement.»
