
Fruit de quatre années de travail, la pièce Matéo et la suite du monde est une coproduction du Théâtre de la Bordée et d'Entr'actes, un organisme culturel qui travaille avec des personnes ayant des limitations fonctionnelles.
— Nicola-Frank Vachon
Il n'avait même pas lu le scénario lorsqu'il a accepté l'offre du metteur en scène, Jean-François F. Lessard, de tenir le rôle principal. C'était il y a quatre ans, à l'époque où le projet n'en était qu'à ses balbutiements. «Il m'a demandé si j'étais ouvert à ce qu'il écrive une pièce avec moi comme l'un des pivots. Faire une œuvre expressément sur les troubles envahissants du développement, je trouvais que c'était une proposition inédite et très intéressante», explique-t-il.
Cette pièce, Jean-François F. Lessard ne l'aurait faite avec personne d'autre que Mathieu Bérubé-Lemay. Directeur artistique d'Entr'actes, un organisme culturel qui œuvre auprès de gens ayant des limitations fonctionnelles, il a eu le coup de foudre professionnel au cours d'ateliers de formation. «J'ai découvert un comédien d'une grande sensibilité et ayant une présence hallucinante sur scène. C'est quelqu'un d'unique, qui ne laisse personne indifférent. En commençant à réunir des interprètes autour du projet, il était clair pour moi qu'il en ferait partie et que l'histoire tournerait autour de lui», affirme le metteur en scène, aussi chargé de cours en enseignement des arts.
Il faut dire que Mathieu Bérubé-Lemay n'est pas un novice dans le monde du théâtre. Membre d'Entr'actes depuis 2010, il s'intéresse à cette forme d'art depuis qu'il est haut comme trois pommes. Déjà à l'âge de huit ans, il participait aux ateliers de formation du comédien Patrick Labbé. Dès 2008, il prenait part aux spectacles annuels d'Autisme Québec, où il s'est fait remarquer par son humour et son aisance sur scène. En 2011, la qualité de sa performance dans Pour faire rêver le cœur, un spectacle d'Entr'actes, lui a valu le prix Jean-François-Maher.
L'art théâtral, pour lui, représente une belle façon de contrer les effets de son handicap. «Le syndrome d'Asperger se manifeste par une difficulté à entrer en contact avec les autres, à avoir une discussion, à parler de soi. Le théâtre est une forme d'expression orale détournée, qui permet de s'adresser à un public par l'entremise d'un personnage. C'est intimidant, mais aussi très valorisant. Mes expériences au théâtre m'ont aidé à prendre confiance en moi lorsque je m'exprime», admet celui qui s'intéresse aussi au cinéma, à la danse et à l'improvisation.
Non, Mathieu Bérubé-Lemay n'est pas du genre à laisser son handicap dicter sa vie. La preuve, il réalise en ce moment un certificat en langue allemande, une matière qui n'est pas reconnue pour sa facilité. Diplômé d'un baccalauréat en traduction, il aspire à être traducteur en Allemagne. Comme Matéo dans la pièce, il bénéficie de différentes ressources pour l'aider durant ses études. Il reçoit notamment de l'accompagnement spécialisé et du soutien du Centre d'aide aux étudiants.
Selon Marie-Hélène Simard, conseillère aux étudiants en situation de handicap, Mathieu Bérubé-Lemay fait figure de modèle pour tous ceux ayant des limitations fonctionnelles. «Je le cite souvent en exemple, sans donner son nom. Mathieu a une très bonne autoreprésentation, ce qui signifie qu'il sait quels sont ses problèmes et trouve des moyens pour les pallier. Chaque début de session, il se présente devant sa classe en disant qu'il a besoin d'un preneur de notes. Il n'hésite pas à aller chercher de l'aide. Il a aussi toute une équipe de soutien, dont ses parents, qui sont extraordinaires, et ses professeurs, qui croient en lui. Le succès de son parcours relève d'un beau travail de collaboration et je suis très fière de lui!», lance-t-elle.
Chose certaine, l'étudiant n'a pas fini de surprendre son entourage.
Il reste encore quelques jours pour aller voir la pièce Matéo et la suite du monde. Plus d'information.