
Diplômée en enseignement du français au secondaire, Suzanne Mercier a enseigné la langue de Molière pendant plus de trente ans à des immigrants. À l'aube de la retraite, elle est retournée sur les bancs de l'université pour étudier en création littéraire. Le roman L'omission, fraîchement arrivé en librairie, marque une étape importante dans ce changement de cap.
«J'écris depuis que je suis jeune, mais c'est la première fois que je termine un projet. Le certificat en création littéraire, auquel je me suis inscrit sur un coup de tête, m'a permis de me consacrer enfin à l'écriture», explique Suzanne Mercier.
L'omission est l'histoire d'une sexagénaire, Évelyne, qui apprend la mort récente d'un frère dont elle ignorait l'existence. Cet homme, nommé Philippe, a été abandonné par ses parents parce qu'il souffrait d'une déficience intellectuelle. Cette double découverte amènera Évelyne à entreprendre un voyage à Baie-Saint-Paul, où il vivait, pour comprendre ce qui s'est passé. Plusieurs surprises l'attendent, certaines plus troublantes que d'autres.
À travers la vie de Philippe et de ceux qui l'ont connu — religieuses, médecins, familles d'accueil, pensionnaires —, l'auteure dresse un portrait de l'évolution des ressources en santé mentale, des années 1950 à aujourd'hui. Elle raconte notamment les méthodes draconiennes utilisées autrefois pour traiter les patients et le mouvement de désinstitutionnalisation qui a marqué le Québec.
Grand-mère d'un garçon autiste, Suzanne Mercier s'est inspirée de cette réalité pour écrire l'histoire. «Un jour, en observant mon petit-fils, je me suis demandé ce qu'aurait été sa vie s'il était né à la même époque que moi, dans les années 50, à un moment où l'autisme n'était pas encore reconnu au Québec. J'ai alors eu la vision choquante des asiles psychiatriques, des traitements chocs et des horreurs perpétrées en catimini dans certaines de ces institutions. Voilà, ce fut le point de départ du roman.»
Bien qu'elle se soit documentée pour des besoins de réalisme, elle n'a pas voulu faire un ouvrage sur l'histoire de la santé mentale. «Je n'ai pas la prétention de présenter des faits historiques. L'omission est avant tout une histoire de non-dits et de quête. Il s'agit d'une quête à la fois de l'autre et de soi; plus qu'avec son frère, c'est avec elle-même qu'Évelyne aura une rencontre.»
À l'instar des personnages, les paysages de Charlevoix jouent un rôle clé dans le récit, l'auteure multipliant les allusions au fleuve, à la plage, aux montagnes, aux arbres bercés par le vent automnal. «La nature a une fonction apaisante. Chaque fois qu'Évelyne vit des émotions trop fortes, elle se réfugie en nature, ce qui la calme et lui donne la force de continuer sa quête. C'est d'ailleurs l'effet que les paysages de Charlevoix ont sur moi. C'est un lieu de ressourcement que j'adore, particulièrement l'automne.»
La confiance d'écrire
Sans Alain Beaulieu et Anne Peyrouse, tous deux enseignants en création littéraire à l'Université Laval, il n'y aurait pas eu de roman, admet Suzanne Mercier. «Anne Peyrouse, avec qui j'ai suivi presque la moitié des cours de mon certificat, m'a donné la confiance d'écrire et m'a fourni de judicieux conseils. Quant à Alain Beaulieu, il m'a guidé tout au long du processus. De façon discrète, il me donnait des pistes très intéressantes à explorer.»
Directrice littéraire de Hamac, Anne Peyrouse n'a pas hésité à accepter l'ouvrage de son étudiante dans le catalogue de cette maison d'édition. «Ce livre est très beau, dense dans son propos. Il s'agit d'une intrigue psychologique qui nous plonge avec grande sensibilité dans une facette méconnue de la santé mentale au Québec. L'écriture est fluide, le rythme est soutenu et l'empathie est au cœur du roman», souligne-t-elle.
Le défi du premier livre relevé, Suzanne Mercier est déjà tournée vers ses prochains projets de publication. Elle travaille sur un autre roman, l'histoire d'une femme qui accompagne sa mère en fin de vie, et prévoit faire un album jeunesse.
«Dans mes romans pour adultes, les histoires sont assez sombres, même s'il y a des percées de lumière. Avec la littérature jeunesse, je peux raconter avec humour des histoires beaucoup plus joyeuses. C'est ce que je compte faire, ayant promis à l'un de mes petits-fils d'écrire quelque chose avec des images», conclut-elle.