
Marie-Andrée Beaudet, professeure au Département des littératures: «L'entretien est un genre formidable pour connaître la pensée d'un auteur».
— Marc Robitaille
«L’entretien est un genre formidable pour connaître la pensée d’un auteur, explique Marie-Andrée Beaudet, qui connaît bien Gaston Miron puisqu’elle en a été la compagne. Il cerne bien la vérité du moment en même temps qu’il dégage un itinéraire et montre l’évolution et la maturation. Nous avons retenu les entretiens les plus éloquents qu’il a accordés durant sa carrière d’écrivain et d’éditeur. Il y parle de son enfance dans les Laurentides, de sa démarche poétique, en plus de s’expliquer sur de grands thèmes comme l’amour et la religion. C’est un Miron de vive voix, très animé, qui donne des points de vue neufs sur des thèmes et des enjeux déjà abordés dans ses écrits en prose.»
Certains entretiens donnent une idée de l’état d’esprit qui régnait au Québec à la fin des années 1960, comme cette entrevue remplie d’humour avec Gérald Godin et Gaston Miron menée par Hugues Desalle. La suprématie de la langue anglaise, l’utilisation du joual et le sentiment de culpabilité que ressentent les Québécois à employer cette langue mal parlée qui les déclasse et qui les distingue à la fois: c’est comme si on était. Gérald Godin y lit des fragments du Cantouque de l’écœuré («je prends des suées / je cherche ma talle / je tourne en rond / je la trouve pas») tandis que Gaston Miron récite des extraits de son plus célèbre poème La marche à l’amour («je marche à toi / je titube à toi / je meurs de toi jusqu’à la plus complète anémie»). S’il y avait un entretien à retenir, selon Marie-Andrée Beaudet, ce serait celui que le poète a accordé en 1981 à son traducteur brésilien, Flavio Aguiar. «Miron y commente mot à mot les poèmes de son maître ouvrage L’Homme rapaillé, en plus d’en éclairer certains passages, dit-elle. Cet entretien illustre à quel point il était méticuleux et impitoyable envers lui-même.» Par ailleurs, Marie-Andrée Beaudet se réjouit de l’immense succès remporté par l’album Douze hommes rapaillés depuis sa sortie en 2008. «Il y a une redécouverte de Gaston Miron par les jeunes, souligne-t-elle. Tous ces chanteurs qui font pourtant une belle carrière en solo et qui mettent leur talent au service de sa poésie, je trouve cela très bien.»