Julien Boudreau est inscrit à la maîtrise en économique. Son mémoire porte sur la transition énergétique au Québec, plus précisément sur le remplacement du gaz naturel par l’électricité. Le mémoire sera déposé dans quelques semaines.
«Dans ma recherche, explique-t-il, j’ai cherché à caractériser la trajectoire des investissements que devra faire la société québécoise pour permettre aux utilisateurs du gaz naturel de se retirer de cette source d’énergie fossile polluante et se tourner vers l’électricité, une énergie propre provenant des barrages ou des parcs éoliens.»
Les statistiques de 2017 indiquent que le gaz naturel est le deuxième émetteur de gaz à effet de serre (GES) au Québec, après le pétrole, soit 15,2% contre 54,4% des émissions. Rappelons que l’augmentation de la concentration des GES dans l’atmosphère cause le dérèglement du climat. Toujours selon les données de 2017, en excluant les exportations, les secteurs résidentiel, commercial et industriel représentent respectivement 10%, 31% et 59% du gaz naturel consommé au Québec.
Selon l’étudiant, la capacité de production actuelle des parcs hydroélectrique et éolien serait insuffisante pour remplacer le gaz naturel. Comme, à sa connaissance, aucun nouveau projet hydroélectrique de grande ampleur n’est prévu pour le Québec, le remplacement du gaz naturel, dans un avenir prévisible, passerait par l’énergie éolienne.
«Les derniers ajouts au réseau électrique d’Hydro-Québec étaient dans l’éolien, souligne Julien Boudreau. Les données de ces projets ont servi à mes estimations des coûts des investissements dans de nouveaux parcs éoliens. À titre comparatif, le dernier appel d’offres d’Hydro-Québec pour la construction d’un parc éolien visait l’ajout d’environ 1,5 térawatt-heure par an. Il faudrait donc l’équivalent d’une cinquantaine de projets de cette taille sur 10 ans, et un peu moins du double sur 20 ans, pour réduire substantiellement l’utilisation du gaz naturel. Ces projets nécessiteraient des investissements de quelque 10 milliards de dollars sur 10 ans et de 20 milliards sur 20 ans. Les capacités de production annuelle d’électricité par l’éolien augmenteraient de 70 à 80 térawatt-heure par an sur 10 ans, et de 110 à 145 térawatt-heure par an sur 20 ans.»
Environ 95% de toute l’électricité produite au Québec provient de sources hydroélectriques. Cinq pour cent vient des éoliennes. Le reste se répartit entre la biomasse, le diesel et le solaire.
«Le profil de consommation énergétique du Québec est particulier, indique l’étudiant. Nous jouissons d’un important réseau de barrages hydroélectriques qui permet de produire une énorme quantité d’énergie renouvelable dont le prix est relativement faible. Les énergies renouvelables occupent la place la plus importante de la consommation énergétique du Québec comparativement aux autres provinces canadiennes et aux États américains. Cela n’empêche toutefois pas de voir la demande en pétrole continuer de croître.»
Selon lui, si le gouvernement veut forcer l’abandon du gaz naturel, il faut déterminer à quelle vitesse le faire et comment le faire de la façon la moins coûteuse.
Dans le cadre de sa recherche, il a mis au point un modèle mathématique qui représente le marché du gaz naturel et de l’électricité au Québec et qui caractérise son évolution à travers le temps. Les données analysées proviennent pour la plupart d’Hydro-Québec, d’Énergir et des gouvernements du Québec et du Canada.
À Paris, en décembre 2015, dans le cadre de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques, le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, a déclaré vouloir la sortie du gaz naturel d'ici 2050 au Québec. Actuellement, le gouvernement caquiste a pour objectifs des réductions des GES de 37,5% en 2030 par rapport à 1990, et entre 80% et 95% en 2050 par rapport à 1990.
Selon Julien Boudreau, il revient aux décideurs publics d’évaluer l’opportunité de sortir complètement du gaz naturel. Il ajoute que les résultats de son mémoire indiquent que le prix du carbone fixé par le gouvernement du Québec via le programme SPEDE, puisqu’il croît de manière exponentielle avec le temps, devrait naturellement forcer un abandon du gaz naturel.
«Je dirais que la hausse prévue du prix du carbone, telle que fixée par le SPEDE, devrait forcer la transition du gaz naturel conventionnel vers d’autres sources d’énergie renouvelables, soutient-il. Je ne considère que l’éolien dans l’analyse, mais on peut également concevoir que d’autres avenues pourraient permettre cette transition, par exemple le gaz naturel renouvelable ou l’hydrogène.Néanmoins, mes résultats montrent également que le prix du carbone actuel pourrait être trop faible pour garantir le respect des engagements du gouvernement du Québec en matière de réduction des émissions. Qui plus est, certaines industries sont exemptées du SPEDE afin de maintenir leur compétitivité à l’international, réduisant davantage la perspective d’une sortie complète du gaz naturel. Ceci étant dit, il faut garder en tête que l’objectif final du gouvernement est de réduire les GES du Québec.»