Son constat: les exigences d'instantanéité du journalisme font que les médias sociaux ne sont pas utilisés à leur plein potentiel. «Facebook, par exemple, offre des paramètres qui permettent de publier du contenu en ciblant des gens par groupe d'âge, provenance géographique ou centres d'intérêt. Cela peut être très intéressant pour une entreprise de presse qui cherche à avoir une meilleure qualité d'attention pour ses articles. Or, les journalistes n'ont pas le temps de cibler des publics précis. Ce qui leur importe, c'est de sortir la nouvelle le plus vite possible et de maximiser le trafic sur le site Web.»
En ciblant des publics selon le sujet de leurs publications, les journalistes pourraient fidéliser de nouvelles clientèles, croit la chercheuse. «En valorisant la qualité de l'attention plutôt que la quantité, les médias peuvent joindre des gens archi-intéressés par leurs contenus et, donc, qui seraient plus susceptibles de partager et de commenter ces contenus ou même d'acheter des produits publicisés sur le site Web. Il y a certainement plusieurs avenues à explorer, mais les exigences d'instantanéité constituent un frein à l'innovation dans ce domaine.»
Le 10 octobre, au pavillon Louis-Jacques-Casault, Anne-Sophie Gobeil abordera plus en détail ce sujet lors du colloque annuel du Réseau Théophraste. Organisé par le Département d'information et de communication, cet événement réunira chercheurs, professeurs, praticiens et étudiants en journalisme. Pendant 3 jours, des représentants de pas moins de 12 pays répartis sur 3 continents seront présents. «Le Réseau Théophraste est composé d'une vingtaine d'écoles en journalisme dans la francophonie. Chaque année, il met en place un colloque pour discuter d'enjeux spécifiques au journalisme. Après le thème de la démocratie à Tunis, l'Université Laval accueille l'événement, qui portera sur des questions qui nous interpellent à plus d'un titre à l'ère du numérique», explique Henri Assogba, professeur au Département d'information et de communication.
Des conférences et des tables rondes porteront, entre autres, sur le journalisme de données, l'intelligence artificielle et la propagande. Il y aura également le lancement d'un ouvrage sur les fausses nouvelles. À cela s'ajoute, pour les étudiants, un atelier de formation sur le fact-checking, une approche qui consiste à vérifier de manière systématique toute information.
D'une communication à l'autre, il sera question de la spécialisation des contenus, un enjeu bien réel dans le domaine de l'enseignement. «Les journalistes ont toujours été écartelés entre une tendance à la généralisation – ils sont censés tout savoir sur tout – et une autre à la spécialisation à outrance, c'est-à-dire d'avoir des connaissances sur un sujet pointu. Cette tendance s'est accentuée avec la culture numérique, ce qui soulève plusieurs questions pour la formation des futurs journalistes, qui sont des natifs du numérique», ajoute le professeur Assogba.
Pour Anne-Sophie Gobeil, le colloque sera l'occasion de mettre en valeur les réflexions et les travaux de recherche qui sont menés à l'Université Laval. «Plusieurs chercheurs chevronnés et spécialistes de partout dans la francophonie participeront à l'événement. D'avoir la chance de discuter avec ces sommités et de voir leurs réactions sur mon travail, ce sera très stimulant», se réjouit à l'avance l'étudiante.
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