Une équipe dirigée par le professeur André Marette de l'Université Laval apporte une nouvelle preuve que des bactéries pourraient être impliquées dans le développement du diabète de type 2. Dans un article publié aujourd'hui par la revue Nature Metabolism, les chercheurs démontrent que le sang, le foie et certains dépôts de graisses abdominales de personnes diabétiques ont une signature bactérienne différente de celle observée chez les personnes qui ne sont pas diabétiques.
Les chercheurs ont fait cette démonstration à l'aide d'échantillons de sang et de tissus prélevés au moment où 40 personnes atteintes d'obésité sévère subissaient une chirurgie bariatrique. Les échantillons de tissus proviennent du foie et de trois sites de dépôts adipeux de l'abdomen. La moitié des participants souffrait de diabète de type 2. Les autres sujets n'étaient pas diabétiques, mais ils affichaient une résistance à l’insuline, révélatrice d'un état prédiabétique.
Les chercheurs ont procédé à la détection de matériel génétique bactérien dans chacun des tissus prélevés. Le genre taxonomique des bactéries présentes et leur abondance relative ont permis d’établir la signature bactérienne de chaque tissu. Leurs analyses montrent que:
l’abondance relative des bactéries varie d’un tissu à l’autre et elle atteint un maximum dans le foie et dans le grand omentum, un tissu graisseux reliant l’estomac et le côlon transverse. Ces deux sites sont fortement impliqués dans la régulation métabolique;
la signature bactérienne est propre à chaque tissu;
la signature bactérienne de chaque tissu est distincte chez les personnes diabétiques et chez les personnes prédiabétiques.
«Nos résultats suggèrent que, chez les personnes souffrant d’obésité sévère, des bactéries ou des fragments de bactéries sont associés au développement du diabète de type 2», résume André Marette, professeur à la Faculté de médecine et chercheur au Centre de recherche de l’Institut universitaire en cardiologie et en pneumologie de Québec.
Une barrière intestinale perturbée
Selon toute vraisemblance, le matériel génétique bactérien qui a été détecté dans ces tissus provient de l’intestin. «On sait que l’étanchéité de la barrière intestinale est réduite chez les personnes obèses et diabétiques, rappelle le professeur Marette. Notre hypothèse est que des bactéries vivantes ou des fragments de bactéries traversent cette barrière et déclenchent un processus inflammatoire qui, ultimement, empêche l’insuline de remplir son rôle qui consiste à réguler les niveaux de glucose sanguin via son action sur les tissus métaboliques.»
Une partie du matériel génétique détecté dans les tissus appartient à des bactéries pathogènes, mais il y a aussi présence de matériel génétique de bactéries reconnues pour leurs effets bénéfiques sur la santé. «Il se peut que ces dernières protègent les personnes obèses contre l’inflammation et le développement du diabète de type 2.»
— André Marette
Le professeur Marette et ses collaborateurs de l’Université McMaster et de l’Université de Toronto pourront pousser plus loin leurs recherches grâce à une subvention de 2 M$ accordée par les Instituts de recherche en santé du Canada.
«Nous voulons déterminer si les bactéries retrouvées dans le foie et les dépôts adipeux de personnes atteintes d’obésité sévère sont présentes chez les personnes obèses ou avec embonpoint et si ces bactéries sont vivantes. Nous voulons également vérifier si certaines des bactéries pathogènes retrouvées dans les tissus peuvent déclencher le diabète de type 2 dans un modèle animal. Enfin, nous voulons savoir si certaines bactéries bénéfiques retrouvées dans ces tissus peuvent servir à prévenir le développement de cette maladie. Si c'était le cas, elles pourraient représenter une nouvelle famille de bactéries probiotiques ou une source de molécules bactériennes pour aider à combattre le diabète.»
Les signataires de l’étude parue dans Nature Metabolism sont Fernando Anhê, Benjamin Jensen, Thibault Varin, Simon Marceau, Laurent Biertho, André Tchernof et André Marette, de l’Université Laval, Michael Surette et Jonathan Schertzer, de l'Université McMaster, et Florence Servant, Sebastian Van Blerk et Benjamin Lelouvier, de la biotech française Vaiomer.