
La distribution de la pièce Antigone: «C'est incroyable de constater que les mêmes questions se posaient déjà au temps des Grecs.»
— Marc Robitaille
L’histoire est toujours celle d’Antigone, sœur des défunts Etéocle et Polynice. La jeune femme passe outre l’ordre de son oncle, le roi Créon, et tente d’enterrer son frère Polynice laissé sans sépulture. Arrêtée par la garde royale et menacée de mort, elle s’obstine. Pourtant, son oncle est prêt à passer l’éponge. Il explique que son refus de donner une sépulture à Polynice est avant tout un acte politique destiné à remettre de l’ordre dans la ville, pour le bien de tous. Antigone, bien qu’ébranlée par sa logique, refuse d’abdiquer. Sûre de sa propre vérité et de son devoir, elle est prête à périr pour ses idées.
Dans la mise en scène de Jean-François Hamel, Créon a l’apparence d’un homme d’affaires tandis qu’on imagine volontiers Antigone, vêtue d’un manteau de cuir et pourvue d’un piercing, prendre d’assaut la place D’Youville pour défendre ses idéaux. «Il ne s’agit pas de dicter aux spectateurs quoi penser, mais de leur suggérer les choses, prévient le metteur en scène. Ils ne seront pas transportés vers Thèbes l’antique; ils vont être confrontés aux réalités politique et économique de notre époque.» Aucun mot cependant ne le dira. Ce sont les costumes et les accessoires qui projetteront le texte d’Anouilh en 2009.
Des personnages habités
«J’ai choisi des comédiens proches des personnages de la tragédie pour que leur personnalité trouve une résonance dans ces rôles», ajoute le metteur en scène. Une distribution surprenante: Créon – joué par David Bouchard – ne sera pas un vieil homme bedonnant et Antigone – Noémie Ribaud – ne sera pas une pasionaria innocente. «Jean-François a trouvé chez chacun de nous un aspect qui faisait qu’on ressemblait à notre personnage», explique Noémie Ribaud, une étudiante au certificat en littérature qui est de toutes les manifestations altermondialistes. David Bouchard, étudiant au certificat en création littéraire, n’a pour sa part pas eu à se mouler dans un personnage déjà construit: il a nourri Créon de sa propre personnalité. «J’ai choisi David parce que c’est quelqu’un qui, tout comme Créon, ne se démonte pas et est capable de défendre son point de vue», souligne Jean-François Hamel.
Une approche que salue la directrice de production et porteuse du projet, Héloïse Lesimple. Pour cette finissante à la maîtrise en administration des affaires, cette pièce fait écho à la société actuelle. «La reprise par Anouilh de l’Antigone de Sophocle, dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale, permettait une mise en contexte de la Résistance (Antigone) face aux lois édictées par le Maréchal Pétain (Créon), collaborateur de l’Allemagne nazie. Ce texte peut facilement se transporter aujourd’hui, même si la situation mondiale est différente. Les conflits passionnels animent encore le monde et on assiste toujours à la lutte entre ce qui est décidé unilatéralement au nom du bien commun et la volonté qu’ont certains de braver les interdits au nom de la liberté et de la paix.»
Antigone, de Jean Anouilh, jusqu’au 29 mars et du 1er au 5 avril, à 20 h, au Théâtre de poche du pavillon Maurice-Pollack. Billets en prévente au Bureau d’accueil et d’animation, local 2344 du pavillon Alphonse-Desjardins (10 $) et à l’entrée les soirs de représentation (12 $).