
Le procédé mis au point par l'équipe du professeur Bazinet permet d'adoucir le jus de canneberge tout en maintenant son contenu en polyphénols et en acide quinique, des composés qui lui confèrent ses vertus pour la santé et son goût caractéristique.
— Getty Images/Amlberto4KA
Réussir à produire un jus de canneberge moins acide sans y ajouter de sucre, c'est déjà intéressant. Si, en plus, les acides extraits du jus peuvent remplacer des produits chimiques utilisés pour assurer la salubrité de la laitue en feuilles, c'est encore mieux. C'est cette double prouesse qu'a réalisée une équipe du Département des sciences des aliments et de l'Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels (INAF) de l'Université Laval.
Le professeur Laurent Bazinet et son équipe travaillent depuis une décennie à la mise au point d'un procédé visant à réduire l'acidité du jus de canneberge afin d'en améliorer le goût sans en altérer les propriétés santé. Pour y arriver, ces scientifiques utilisent un procédé appelé électrodialyse par membranes bipolaires.
«Nous plaçons le jus de canneberge dans un contenant compartimenté par des membranes et aux extrémités duquel se trouvent deux électrodes, explique le chercheur. Lorsque nous appliquons un courant électrique à ce système, les molécules organiques chargées contenues dans le jus migrent d'un compartiment à l'autre en fonction de leur charge. Cette technologie permet d'enlever une partie des acides contenus dans le jus de canneberge et ainsi d'en adoucir le goût autrement qu'en y ajoutant des sucres ou en le mêlant à d'autres jus de fruits plus sucrés. De plus, le contenu en polyphénols et en acide quinique du jus de canneberge, qui lui confère des vertus pour la santé et son authenticité, est entièrement préservé», explique le professeur Bazinet.
Mais que faire des acides organiques obtenus au terme du procédé? «Nous développons une stratégie d'économie circulaire, poursuit le chercheur. Nous croyons que ces acides peuvent inhiber les bactéries E.coli qui sont présentes sur certains végétaux, notamment la laitue en feuilles prête à manger (de type mesclun, par exemple), qui peut causer des intoxications alimentaires.»
Entre 2008 et 2018, près de 60 éclosions de E. coli attribuables à ces produits ont été rapportées au Canada et aux États-Unis «Pour réduire ce risque, les fabricants font tremper les feuilles dans une solution d'hypochlorite de sodium, puis ils les rincent à l'eau. Toutefois, il peut subsister des résidus et les sous-produits peuvent être néfastes pour l'humain», précise Laurent Bazinet.
Dans l'espoir de trouver une solution plus naturelle et plus sécuritaire, son équipe a testé l'efficacité des acides organiques extraits du jus de canneberge sur E. coli in vitro et sur des feuilles de laitue.
«Les tests in vitro montrent que les acides organiques extraits du jus de canneberge inhibent bien E. coli. Plus leur concentration est élevée, plus l'inhibition est importante, souligne le chercheur. Par ailleurs, les tests menés sur la laitue montrent que ces acides organiques font mieux que l'hypochlorite de sodium pour inhiber E. coli. La protection qu'ils confèrent dure au moins sept jours pour des laitues entreposées à 4o Celsius. La texture, la couleur et le poids des feuilles de laitue ne sont pas affectés par le traitement aux acides organiques de la canneberge.»
La possibilité de valoriser les sous-produits du procédé de désacidification du jus de canneberge constitue un atout supplémentaire en faveur de cette technologie. «Nous croyons que la même approche pourrait fonctionner pour d'autres légumes-feuilles comme l'épinard ou la roquette, et pour certains fruits comme le bleuet et même la canneberge fraîche. Des tests sur le bleuet sont déjà en cours dans notre laboratoire et les premiers résultats semblent encore plus prometteurs que sur la laitue», conclut le professeur Bazinet.
Les résultats de cette étude sont parus dans la revue Food Control. Les signataires de l'article sont Romain Canuel, Sara García-Vela et Laurent Bazinet.

























