
Marilyn Giroux recommande de préparer ses achats avec un budget réaliste, de consulter l’historique des prix et de comparer avec les détaillants concurrents.
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Les soldes du Vendredi fou ne se limitent plus à une seule journée, mais s'étendent désormais sur plusieurs semaines. Marilyn Giroux, professeure à la Faculté des sciences de l'administration, commente cette évolution des stratégies commerciales, ses effets sur les détaillants et donne quelques conseils pour bien profiter des promotions.
Comment explique-t-on l'étalement des ventes du Vendredi fou et quelle est son influence sur les comportements d'achat?
L'étalement des ventes du Vendredi fou s'explique principalement par l'évolution des stratégies commerciales, des habitudes de consommation et des dynamiques concurrentielles du commerce de détail. Alors qu'il y a quelques années, l'événement reposait sur l'intensité d'une seule journée, où le sentiment d'urgence et le FOMO [NDLR: acronyme de fear of missing out, qui signifie la peur de manquer quelque chose] étaient fortement mobilisés, les détaillants ont progressivement décidé qu'il était plus rentable d'étendre les promotions sur plusieurs jours ou plusieurs semaines. Cette tendance répond à plusieurs objectifs opérationnels: réduire la pression logistique sur une seule journée, éviter les files d'attente excessives, limiter les risques liés à la gestion des stocks et mieux répartir le volume de commandes en ligne. Dans un contexte où la concurrence numérique devient féroce et où les consommateurs privilégient de plus en plus les achats en ligne, les entreprises cherchent à maximiser leur visibilité sur une plus grande période.
Pour les consommateurs, cette stratégie crée un sentiment d'abondance de rabais et diminue la crainte de manquer une offre exceptionnelle. En étalant les promotions, ils peuvent comparer davantage, planifier leurs achats et répartir leurs dépenses sur plusieurs semaines. Toutefois, cet étalement réduit aussi l'effet psychologique de rareté et l'empressement traditionnellement associés au Vendredi fou. Si l'expérience d'achat devient plus confortable et moins stressante, elle devient aussi moins «événementielle». Comme pour le Boxing Day, cette transformation démontre comment les commerçants s'adaptent continuellement à l'évolution des comportements de magasinage et des attentes des consommateurs.
Quel est l'impact du Vendredi fou sur les détaillants et sur l'économie locale?
L'impact du Vendredi fou sur les détaillants demeure généralement très positif, en particulier au Québec, où cette journée représente souvent le moment le plus important de l'année sur le plan du magasinage. Pour de nombreux commerces, il s'agit d'une occasion stratégique pour attirer une grande quantité de clients, écouler des produits saisonniers, lancer des nouveautés ou consolider leurs parts de marché juste avant la période des Fêtes. Les campagnes publicitaires, souvent massives, créent une visibilité accrue, ce qui contribue à générer un achalandage soutenu tant en magasin que sur les plateformes numériques. C'est aussi l'occasion pour les magasins de proposer des articles complémentaires, des offres spéciales et de fidéliser leurs clients.
Toutefois, pour l'économie locale, l'effet n'est pas uniformément positif. Certains commerces, notamment les grandes chaînes ou les enseignes ayant une forte présence en ligne, réussissent particulièrement bien grâce à leur capacité d'offrir des rabais importants. À l'inverse, plusieurs petites entreprises éprouvent des difficultés à rivaliser avec les prix agressifs et les campagnes massives des géants du commerce électronique. Leur marge de manœuvre financière étant limitée, elles ne peuvent offrir des réductions aussi substantielles. Cette réalité crée un écart croissant entre les grandes plateformes internationales et les commerces indépendants. Malgré tout, plusieurs petites entreprises tirent parti du Vendredi fou en misant sur l'originalité, la qualité du service et la proximité avec la clientèle.
Quels sont les pièges à éviter et les conseils à suivre pour le magasinage des Fêtes dans le contexte actuel d'inflation et d'incertitude?
Dans un contexte marqué par l'inflation, la hausse du coût de la vie et les incertitudes économiques, le Vendredi fou peut représenter à la fois une occasion d'économiser et un piège pour les consommateurs. Plusieurs pratiques commerciales, bien que légales, peuvent induire en erreur. Parmi les pièges les plus courants, on retrouve les fausses promotions: il arrive que certains détaillants augmentent les prix avant la période du Vendredi fou pour créer l'illusion de rabais plus importants. Ainsi, un produit affiché comme réduit de 40% n'est parfois que légèrement moins cher, voire au même prix, qu'avant le début de la promotion.
Pour éviter ces pièges, il est fortement recommandé aux consommateurs de préparer leurs achats. Cela inclut l'établissement d'un budget réaliste, la consultation de l'historique des prix et la comparaison des offres sur différentes plateformes ou chez des détaillants concurrents. Les achats spontanés, encouragés par la mise en scène des rabais, peuvent mener à des dépenses inutiles, surtout lorsque l'on est tenté par des articles dont on n'a pas réellement besoin. De plus, certaines promotions exigent des conditions particulières, comme des quantités limitées ou des offres valables uniquement en ligne, ce qui peut créer de la frustration. En privilégiant des achats réfléchis et planifiés, les consommateurs peuvent réellement profiter de l'événement tout en évitant les excès. Dans ce contexte, rester vigilant et bien informé demeure la clé pour transformer le Vendredi fou en une véritable occasion d'économies.
Propos recueillis par Audrey-Maude Vézina

























