
Les comportements de voyage ont évolué au cours des dernières années, souligne Laurent Bourdeau. Les destinations du Sud sont visitées par des Québécois non seulement en hiver, mais aussi en saison estivale. La Gaspésie reste néanmoins une destination prisée par la population québécoise. Selon un récent sondage, 18% des gens ont l'intention de visiter cette région cet été.
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Les relations tendues entre le Canada et les États-Unis pourraient-elles avoir des répercussions sur le choix des destinations vacances estivales de la population québécoise et sur l'industrie du tourisme au Québec? Laurent Bourdeau, professeur au Département de géographie de l'Université Laval et spécialiste en marketing du tourisme et en développement de produits touristiques, analyse la situation.
Le contexte politique tendu entre le Canada et les États-Unis risque-t-il d'influencer les choix de vacances des Québécois?
Les tensions actuelles influencent le choix d'un certain nombre de voyageurs, mais pas de tous. Bien avant les préoccupations à l'égard du climat politique, la situation économique des voyageurs représente la variable la plus importante dans leurs choix de déplacements. La valeur du dollar canadien face au dollar états-unien risque d'avoir un grand impact sur la décision de franchir ou non la frontière.
Des citoyens peuvent choisir de ne pas séjourner aux États-Unis par désaccord avec les politiques de ce pays ou parce qu'ils pensent qu'ils ne seront pas bien accueillis lors de leur séjour. D'ailleurs, depuis le début de l'année, on assiste à une baisse des réservations des voyageurs du Québec vers les États-Unis, tant pour les voyageurs qui franchissent la frontière en voiture qu'en avion.
Face à ce phénomène, des compagnies aériennes ont fait le choix de déplacer un certain nombre de vols pendant la saison estivale vers les Caraïbes, l'Amérique du Sud ou l'Europe. En concentrant les vols vers ces destinations, les consommateurs peuvent trouver des vols ou des forfaits à un prix compétitif. Encore mieux, afin d'inciter les consommateurs à acheter leurs produits, plusieurs compagnies proposent aux voyageurs de s'offrir des vacances à crédit. Par exemple, Air Transat et Vacances Air Canada offrent aux consommateurs la possibilité d'acheter des forfaits vacances à crédit par l'intermédiaire d'un programme de paiement mensuel.
Certaines entreprises cherchent donc à stimuler les ventes en offrant une forme de crédit pendant une situation économique incertaine ou difficile pour certains consommateurs. Si le consommateur paye ses mensualités, tout va bien, dans le cas contraire, le voyage coûtera passablement plus cher.
Certains consommateurs pourraient toutefois se laisser charmer à la dernière minute par les rabais ou les incitatifs à séjourner aux États-Unis. D'ailleurs, des entreprises et associations touristiques états-uniennes offrent des rabais afin d'inciter les Québécois à séjourner sur les plages de la côte est. Les démarches promotionnelles débutent et cibleront les voyageurs qui n'ont pas encore réservé leur séjour de vacances.
Les tensions politiques pourraient-elles également affecter le nombre de touristes en provenance des États-Unis qui visiteront le Québec au cours de l'été?
Si les différends politiques entre gouvernements et les variables économiques peuvent influencer les voyages, l'accueil et le sentiment de sécurité à destination, ainsi que les destinations à la mode, peuvent influencer les choix de voyage.
Dans le cas de la ville de Québec, ayant un arrondissement désigné site du patrimoine mondial de l'UNESCO, les touristes états-uniens seront au rendez-vous si les entreprises, par exemple, de croisières, parviennent à démontrer à leurs clients que la destination est sécuritaire et qu'ils seront bien accueillis. La familiarité avec une destination, le fait de l'avoir déjà visitée et d'y avoir été bien accueilli, réduit de façon importante la crainte des visiteurs.
Les associations touristiques du Québec peuvent aussi jouer un rôle à travers leur campagne publicitaire afin de faire oublier les tensions entre le Canada et les États-Unis. On note que l'association touristique de l'Estrie, Tourisme Cantons-de-l'Est, a lancé une campagne promotionnelle visant à séduire les visiteurs états-uniens afin de les convaincre qu'ils seront bien accueillis dans la région. Cette promotion s'intitule Come hug it out in the Eastern Townships.
Au début de la pandémie de COVID-19, certaines régions du Québec avaient été prises d'assaut par la population québécoise pendant les vacances estivales. Ce scénario pourrait-il se répéter cet été?
Il est difficile de prévoir le nombre de touristes qui visiteront le Québec au cours de l'été. Contrairement à la période de la pandémie de COVID-19, les frontières ne sont pas fermées. Cette année, comme les années précédentes, avant de prendre leur décision, les vacanciers qui auront les moyens de voyager vont comparer les prix entre des vacances au Québec, aux États-Unis et ailleurs dans le monde. On note que les comportements de voyage ont évolué au cours des dernières années. Les destinations du Sud, telles que la République dominicaine, sont visitées par des Québécois non seulement en hiver, mais aussi en saison estivale.
Les destinations touristiques et les touristes québécois ont tiré des leçons de la période de la pandémie de COVID-19. Un certain nombre de touristes ont débuté beaucoup plus tôt leur réservation dans les régions du Québec. De leur côté, les entreprises touristiques apparaissent mieux préparées pour répondre aux besoins des touristes, mais elles ne pourront peut-être pas répondre à l'ensemble de la demande.
Propos recueillis par Jean Hamann