
Les politiciens qui s'affronteront lors des deux débats des chefs 2025: Mark Carney, du Parti libéral, Pierre Poilievre, du Parti conservateur, Jagmeet Singh, du Nouveau Parti démocratique, Yves-François Blanchet, du Bloc québécois et Jonathan Pedneault, du Parti vert.
NDLR. Le 16 avril, la Commission des débats des chefs a décidé d'annuler l'invitation faite au Parti vert du Canada de participer aux deux débats des chefs en vue de la 45e élection générale.
Les chefs des cinq grands partis politiques du Canada s'affronteront lors de deux débats télévisés cette semaine. Thierry Giasson, professeur au Département de science politique de l'Université Laval et spécialiste de la communication politique, explique pourquoi cet exercice est encore déterminant dans une campagne électorale et quels sont les défis qui attendent chaque chef de parti.
Considérant les moyens dont disposent maintenant les partis politiques pour rejoindre l'électorat, les débats télévisés entre les chefs sont-ils encore importants aujourd'hui?
Les débats publics dans une arène où le pouvoir est convoité existent depuis la création de systèmes de représentation des citoyens par des citoyens. L'arrivée des débats télévisés a donné une dimension nouvelle à cet exercice en raison du très vaste auditoire qui peut en être témoin. De plus, les débats télévisés sont les seuls moments pendant une campagne électorale où les chefs s'affrontent directement, devant un auditoire composé d'électeurs de toutes les orientations politiques. Le reste du temps, ils mènent des campagnes en parallèle, devant leurs militants, et se répondent par l'entremise des médias.
Au début d'une campagne électorale, près des deux tiers des électeurs savent déjà pour qui ils vont voter. Pour eux, les débats télévisés servent surtout à confirmer leur décision. Pour le tiers restant – les indécis –, les débats télévisés sont l'occasion d'entendre les chefs, d'obtenir de l'information sur leur programme et de faire un comparatif instantané. Ces débats ont donc, encore aujourd'hui, une grande importance dans l'issue d'une élection, surtout lorsque la course est serrée. C'est un moment névralgique où les chefs de parti peuvent se révéler ou décevoir.
Quels sont les facteurs qui comptent le plus aux yeux de la population lors d'un débat?
Les médias aiment bien cadrer les débats des chefs dans une perspective de spectacle et de performance. Depuis le premier débat télévisé entre John F. Kennedy et Richard Nixon en 1960, on véhicule le mythe qui veut que les téléspectateurs s'attardent surtout à l'image, à la performance non verbale des chefs. Personnellement, je pense qu'un débat est d'abord un lieu pour présenter des idées, des éléments du programme d'un parti. Cette semaine, chaque débat va durer 120 minutes. Les chefs devront forcément livrer du contenu. La politique est un métier de communication, mais ce n'est pas que ça. Les partis proposent des visions différentes de notre société et les chefs les exposent lors des débats.
Néanmoins, les qualités que bien des citoyens recherchent chez les chefs lors d'un débat sont le reflet de leur propre code de civilité. Est-ce qu'un chef est respectueux? Est-ce qu'il écoute les autres? Est-ce qu'il leur coupe la parole? Le défi est de prendre sa place dans cet exercice d'affrontement, d'être combatif, tout en demeurant respectueux et en montrant qu'on a l'étoffe d'un premier ministre. La répartie et l'humour peuvent aussi être bien reçus lorsqu'ils sont utilisés de façon respectueuse.
Lors du débat en français, qui aura lieu mercredi, quels sont les principaux défis que devra relever chaque chef pour espérer faire des gains?
Pour Mark Carney, le défi sera de montrer sa capacité de prendre sa place et d'exprimer sa pensée de façon claire tout en restant calme. Trois des autres chefs qui participeront au débat ont une vaste expérience parlementaire, ce qui n'est pas son cas.
Pierre Poilievre, qui nous a habitués depuis 2 ans à un style agressif et parfois méprisant envers ses adversaires, devra être plus calme et plus respectueux à l'endroit des autres chefs tout en conservant sa détermination. Il faudra aussi qu'il arrive à adopter l'attitude d'un premier ministre et non celle d'un chef de l'opposition.
Jagmeet Singh devra éviter de «sortir la cassette», de livrer des messages qui sont préparés pour lui, ce qu'il a tendance à faire parce que sa maîtrise du français n'est pas très bonne. Les sondages lui sont défavorables et il joue son emploi lors de la prochaine élection.
Yves-François Blanchet a bien fait lors des débats précédents. Cette fois, il faut qu'il parvienne à expliquer à la population québécoise pourquoi il faut voter pour le Bloc québécois alors que l'enjeu de l'élection semble être l'avenir économique et politique du Canada en raison des menaces de l'administration Trump. Lui aussi joue son poste lors des prochaines élections.
Jonathan Pedneault, cochef du Parti vert du Canada, n'a absolument rien à perdre et tout à gagner dans ce débat parce qu'il est très peu connu. Il aura une tribune exceptionnelle pour se présenter et se mettre en valeur. Il devra convaincre l'électorat que le Parti vert est un choix qui dépasse la seule question de l'environnement.
Propos recueillis par Jean Hamann