
Les recherches du professeur Hébert ont montré qu’en été, les gens s’exposent à environ deux heures de lumière naturelle par jour, contre à peine 30 minutes en hiver.
— Getty Images, Olga Ryazantseva
Dans la nuit du 1er au 2 novembre, la population québécoise devra reculer l'heure, ce qui fera en sorte que le soleil se couchera plus tôt. Pour certaines personnes, la baisse de luminosité est synonyme de fatigue et d'une humeur dépressive. Marc Hébert, professeur à la Faculté de médecine et chercheur au Centre de recherche CERVO, revient sur le rôle de la lumière sur le moral et sur les bienfaits de la luminothérapie pour contrer la dépression saisonnière.
Qu'est-ce que la dépression saisonnière?
La dépression saisonnière est une forme de dépression qui revient chaque année à l'automne ou à l'hiver, puis qui disparaît naturellement au printemps et à l'été. Elle est principalement liée au manque de lumière naturelle durant la saison froide.
Dans les faits, nos recherches ont montré qu'en été, les gens s'exposent à environ 2 heures de lumière naturelle par jour, contre à peine 30 minutes en hiver. Étant donné le raccourcissement de la période de clarté à l'automne et à l'hiver, pour beaucoup, le départ et le retour du travail se font dans la noirceur, ce qui contribue à la réduction de l'exposition lumineuse.
Ce manque de lumière viendrait perturber l'horloge biologique, qui régule nos cycles de sommeil et d'éveil, et influencerait aussi la sérotonine, la substance chimique du cerveau associée à l'humeur. D'ailleurs, une étude de 2002 publiée dans la prestigieuse revue The Lancet a démontré que les niveaux de sérotonine étaient significativement plus élevés lors des journées ensoleillées.
Les symptômes sont dits «atypiques»: au lieu d'insomnie et de perte d'appétit comme dans la dépression classique, on observe un besoin accru de dormir, des fringales de sucre ou de glucides et une prise de poids. La fatigue apparaît souvent en fin d'après-midi, menant à la fameuse collation sucrée «coup de fouet». Dans certains cas, les gens ressentent une telle lassitude qu'ils prendraient volontiers congé… pour dormir!
Avec le retour de la lumière au printemps, les symptômes disparaissent, confirmant le lien direct entre exposition lumineuse et humeur.
Pourquoi certaines personnes sont-elles touchées plus que d'autres?
La dépression saisonnière se manifeste sur un continuum de gravité. Environ 2% de la population est atteinte de manière sévère et jusqu'à 25% ressentent une forme modérée n'atteignant pas des niveaux cliniques suffisants pour être qualifiés de dépression majeure. Par ailleurs, un sondage CROP mené en 2010 révélait que 42% des travailleurs québécois se sentaient déprimés et fatigués en janvier et février, tandis que 26% se disaient moins productifs.
Certains facteurs augmentent la vulnérabilité: une prédisposition génétique ou hormonale, une dépression antérieure ou encore un manque d'activités extérieures. Par exemple, une personne qui n'aime pas l'hiver aura tendance à être plus casanière.
Les régions nordiques, où les journées sont très courtes, accentuent aussi le risque. Les femmes et les jeunes adultes semblent plus touchés, peut-être en raison de différences hormonales et comportementales.
En somme, la dépression saisonnière résulte d'un mélange de biologie, de lumière et de mode de vie. Ce n'est donc pas seulement une simple question de «moral d'hiver», mais bien une interaction entre notre cerveau, notre environnement et nos habitudes quotidiennes.

Marc Hébert, professeur à la Faculté de médecine et chercheur au Centre de recherche CERVO
Quelles sont les façons de prévenir ou de traiter la dépression saisonnière?
La luminothérapie demeure le traitement le plus reconnu. Elle consiste à s'exposer chaque matin à une lampe diffusant une lumière blanche intense (environ 10 000 lux) qui imite la lumière du jour et régule les hormones de l'humeur et de l'éveil. Nos recherches ont montré qu'une intensité de 5000 lux peut être tout aussi efficace.
Depuis la découverte, en 2001, du rôle clé de la lumière bleue dans la régulation de l'horloge biologique, des lampes à DEL enrichies en bleu – plus douces, mais apparemment efficaces – sont apparues. Les effets sont souvent rapides, en quelques jours à quelques semaines. Habituellement, les personnes utilisent la luminothérapie seulement quelques semaines par année. Toutefois, il serait recommandé de l'utiliser quotidiennement pour améliorer sa productivité (c'est ce que je fais personnellement), car la lumière agit directement comme un réveil cérébral.
Pour prévenir ou compléter le traitement, il est recommandé de sortir chaque jour à la lumière naturelle, même sous un ciel gris, de bouger régulièrement, de maintenir des horaires de sommeil stables et d'adopter une alimentation équilibrée.
Dans les cas plus sévères, la psychothérapie ou les antidépresseurs peuvent être indiqués.
En résumé, prévenir la dépression saisonnière, c'est ramener la lumière et la régularité dans nos journées — les deux piliers essentiels de notre équilibre intérieur.
Propos recueillis par Audrey-Maude Vézina

























