
Depuis le début des années 2000, plus de 50% des naissances québécoises sont le fruit de couples vivant en union libre. Actuellement, lors d'une rupture, ces parents n'ont pas les mêmes droits que ceux mariés ou unis civilement, comme l'a reconnu la Cour suprême, en janvier 2013, dans l'affaire Éric c. Lola. Dans cette poursuite, Lola réclamait une généreuse pension alimentaire et un partage du patrimoine familial. Certaines choses changeront puisqu'une réforme du droit familial entrera en vigueur le 30 juin 2025.
— Getty images / LSOphoto
Plus d'une décennie après la très médiatisée affaire Éric c. Lola, un nouveau régime juridique, qui n'a pas d'équivalent ailleurs dans le monde, entrera en vigueur au Québec: l'union parentale. Tous les couples qui ne sont ni mariés ni unis civilement et qui auront un nouvel enfant, par naissance ou adoption, seront automatiquement investis de nouveaux droits et soumis à de nouvelles obligations. Christine Morin, notaire et professeure à la Faculté de droit, apporte des éclaircissements sur ce régime qui aura de grandes incidences sur un grand nombre de familles dans la province.
Pourquoi ajoute-t-on un nouveau régime au Québec et que viendra changer l'union parentale?
La nouvelle union parentale a pour objectif de mieux protéger économiquement les personnes vivant en union de fait qui ont des enfants et, par la même occasion, leurs enfants.
Règle générale, les gens savent que les personnes qui sont mariées ou unies civilement ont des droits et des obligations réciproques qui découlent de la loi. Entre autres, les époux sont tenus de partager la valeur de leur patrimoine familial et de leur régime matrimonial; ils peuvent réclamer une prestation compensatoire; ils se doivent des aliments (pension alimentaire); et leur résidence familiale ainsi que les meubles du ménage sont protégés. Au décès, les époux héritent également l'un de l'autre en l'absence de testament.
Pour les conjoints en union de fait, c'est tout le contraire! La loi ne prévoit ni droits ni obligations en ce qui a trait à leurs biens, et ce, quelle que soit la durée de leur relation. Jusqu'au 29 juin, la loi les ignore également, malgré la présence d'enfants. Les conjoints en union de fait sont libres d'aménager leurs rapports financiers comme ils le souhaitent, sans que la loi oblige à quoi que ce soit. C'est ce qui va changer à compter du 30 juin 2025.
À compter de cette date, la naissance d'un enfant fera naître automatiquement et simultanément une union parentale entre ses parents si ceux-ci sont des conjoints de fait. En vertu de cette nouvelle union parentale, tous les conjoints de fait domiciliés au Québec qui deviendront les parents d'un enfant auront de nouveaux droits et seront soumis à de nouvelles obligations réciproques.
Comme les conjoints mariés, leur résidence familiale et les meubles du ménage seront protégés. Ils pourront réclamer une prestation compensatoire et ils devront partager la valeur de leur «patrimoine d'union parentale» à la fin de leur union. En l'absence d'un testament, ils pourront également hériter l'un de l'autre. Contrairement aux conjoints mariés ou unis civilement toutefois, ils ne se devront pas d'aliments.
Qui sont les parents visés et peuvent-ils se retirer, en tout ou en partie, de ce nouveau régime?
Tous les conjoints et conjointes de fait domiciliés au Québec qui ont un enfant à compter du 30 juin sont automatiquement visés par le nouveau régime. Ils ont cependant la possibilité de se soustraire à l'application du patrimoine d'union parentale à la condition de le faire par acte notarié. Il s'agit d'ailleurs d'une différence importante par rapport au mariage, car les conjoints mariés ou unis civilement ne peuvent pas se soustraire à l'application du patrimoine familial. Évidemment, pour renoncer au patrimoine d'union parentale, les deux conjoints devront être d'accord. Lorsque l'acte de renonciation sera signé devant notaire dans les 90 jours du début de l'union parentale, le patrimoine d'union parentale sera réputé n'avoir jamais été constitué. Autrement, le retrait prendra effet le jour de la signature de l'acte notarié qui le constate.
Si les conjoints souhaitent se léguer davantage que ce que prévoit la loi – c'est-à-dire un tiers de la succession – ou, au contraire, s'ils ne veulent pas que leur conjoint reçoive une portion de leur héritage, ils doivent faire un testament. Comme pour tous les Québécois et les Québécoises, la liberté de tester des conjoints en union parentale demeure.
Les parents d'enfants nés avant le 30 juin 2025 auraient-ils intérêt à adhérer volontairement par acte notarié au régime?
À mon avis, ils ont intérêt à se renseigner afin de pouvoir prendre une décision éclairée à propos du patrimoine d'union parentale. Quelle que soit leur décision, ils doivent comprendre l'intérêt de se soumettre aux nouvelles règles ou de ne pas le faire.
En fait, qu'il s'agisse de conjoints de fait qui seront automatiquement soumis à l'union parentale parce qu'ils auront un enfant après le 29 juin ou de conjoints de fait qui ne seront pas soumis aux nouvelles règles parce que leur enfant est né avant cette date, tous les conjoints qui vivent en union de fait ont intérêt à connaître leurs droits et leurs obligations.
En cas de besoin, les conjoints de fait devraient fixer un rendez-vous avec leur notaire.
Propos recueillis par Manon Plante