11 juin 2024
Problèmes socioaffectifs des jeunes enfants: le rôle protecteur du père doit être pris en compte
Pour atteindre un développement socioaffectif optimal des tout-petits, les programmes de dépistage et d'intervention destinés aux nouveaux parents auraient intérêt à inclure davantage les pères
Les programmes de dépistage et d'intervention destinés aux nouveaux parents auraient tout intérêt à accorder une plus grande place aux pères, suggère une étude qui vient de paraître dans la revue Research on Child and Adolescent Psychopathology. En effet, l'équipe de recherche qui a réalisé cette étude a constaté que la présence de symptômes dépressifs chez le père est associée à une hausse du risque des problèmes socioaffectifs chez l'enfant et, à l'inverse, que la sensibilité paternelle est associée à une baisse de ce risque.
Voilà deux des constats auxquels arrive une l'équipe dirigée par Célia Matte-Gagné, professeure à l'École de psychologie de l'Université Laval, au terme d'une étude menée auprès de 140 familles québécoises qui avaient un enfant de moins de 6 mois au moment du recrutement.
Chaque famille a été visitée lorsque l'enfant a atteint l'âge de 1 an, 1,5 an et 2 ans. Lors de ces rencontres, l'équipe de recherche a interrogé chaque parent individuellement pour recueillir ses perceptions par rapport aux problèmes socioaffectifs de son enfant. «Par exemple, on lui demandait si son enfant était particulièrement inquiet, agité, agressif ou malheureux. Nous avons fait une moyenne des réponses du père et de la mère pour établir un score de problèmes socioaffectifs pour chaque enfant», précise la professeure Matte-Gagné.
De plus, les symptômes dépressifs de chaque parent ont été documentés à l'aide d'un questionnaire reconnu. Enfin, l'équipe de recherche a évalué la sensibilité de chaque parent à partir de l'observation de ses interactions avec son enfant, à leur domicile, pendant une période de 45 minutes. «La sensibilité est la capacité de percevoir et d'interpréter correctement les signaux des enfants, et d'y répondre rapidement, chaleureusement et adéquatement», rappelle la professeure Matte-Gagné.
Les données recueillies ont révélé que 8% des pères et 12% des mères avaient des symptômes dépressifs dont l'intensité les mettait à risque d'avoir un diagnostic de dépression. Les enfants dont les parents avaient plus de symptômes dépressifs risquaient davantage d'avoir des problèmes socioaffectifs. «Cet effet était présent, peu importe si les symptômes dépressifs touchaient la mère, le père ou les deux parents, souligne-t-elle. L'effet prédictif des symptômes dépressifs de chaque parent est unique et additif, c'est-à-dire qu'il y a une accumulation du risque lorsque les deux parents rapportent des symptômes dépressifs plus intenses.»
L'effet protecteur de la sensibilité de la mère sur le développement des problèmes socioaffectifs de l'enfant est bien documenté dans la littérature scientifique. L'effet de la sensibilité du père, en revanche, a été peu étudié. «Nos résultats montrent que la sensibilité du père a également un effet protecteur en présence de symptômes dépressifs maternels. Plus le père fait montre de sensibilité, moins l'enfant est à risque de présenter des difficultés socioaffectives lorsque la maman ne va pas bien», commente Célia Matte-Gagné.
«Notre étude rappelle l'importance du dépistage précoce des problèmes dépressifs chez les mères, mais elle met aussi en lumière le fait que les pères devraient être inclus dans ce dépistage. Présentement, les politiques publiques, les programmes de dépistage et les interventions en lien avec la période périnatale ciblent presque exclusivement les mamans. Il y a une lacune dans la façon d'accompagner les papas pendant les premières années de vie de l'enfant. Il faudrait leur accorder plus de place si on vise le développement socioaffectif optimal de l'enfant», estime la professeure Matte-Gagné.
Les autres signataires de l'étude sont Frédéric Thériault-Couture et George Tarabulsy, de l'Université Laval, et Annie Bernier, de l'Université de Montréal.