«Sa carrière, son parcours exceptionnel et son leadership nous ont inspiré le futur Carrefour international sur le campus. Déjà, nous avions décidé de lui donner son nom, pour ne jamais oublier tout ce qu'il a fait pour le Québec, pour le Canada et sur la scène mondiale», a indiqué la rectrice de l'Université Laval, Sophie D'Amours, en deuil du très honorable Brian Mulroney.
Diplômé de l'Université Laval en droit, celui qui a laissé sa trace s'est éteint le jeudi 29 février. Engagé envers son alma mater jusqu'à ses 84 ans, le 18e premier ministre du Canada a contribué à façonner son époque, mais aussi l'avenir, disent ceux qui l'ont côtoyé.
Originaire de Baie-Comeau, Brian Mulroney rêvait grand pour la relève québécoise. Durant sa carrière politique, il avait remarqué que peu de francophones occupaient des postes de commande au niveau international. «Pourquoi pas une Québécoise ou un Québécois comme secrétaire général des Nations Unies», disait-il à chacune de ses visites sur le campus, d'où son implication comme président d'honneur de la Campagne majeure du Carrefour international Brian-Mulroney.
«Brian Mulroney était un homme audacieux et rassembleur. En sa mémoire, le Carrefour deviendra une plaque tournante de l'internationalisation, une place où les étudiantes et les étudiants se sentiront citoyens du monde. On fera tout ce que l'on peut par l'enseignement, par la science pour les préparer à relever les défis géopolitiques», a poursuivi Sophie D'Amours.
Premier ministre progressiste-conservateur du Canada de 1984 à 1993, Brian Mulroney a pavé la voie en participant notamment à la création du Sommet de la Francophonie ou en proposant la négociation d'un accord de libre-échange avec les États-Unis, devenu par la suite l'Accord de libre-échange nord-américain. Il a aussi joué un rôle dans la réponse occidentale à la famine en Éthiopie au milieu des années 1980, signé un accord sur les pluies acides et participé à la campagne contre l'apartheid en Afrique du Sud. Il reprenait d'ailleurs les mots de son ami Nelson Mandela: «L'éducation est l'arme la plus puissante que l'on puisse utiliser pour changer le monde!»
Père de quatre enfants avec sa femme Mila, il a côtoyé des personnalités fortes, aux points de vue parfois divergents, comme Margaret Thatcher, Ronald Reagan, Michael Gorbachev, ou plus près de chez nous, René Lévesque, Robert Bourassa et Lucien Bouchard.
«Brian Mulroney a toujours fait de la politique autrement, souligne Olga Farman, sa collègue au cabinet d'avocats Norton Rose Fulbright, associée directrice au bureau de Québec. Il excellait dans l'art de cultiver les relations, transcendant les barrières partisanes pour trouver des solutions et construire des ponts. Il incarnait l'idée que la collaboration et la compréhension mutuelle sont essentielles pour progresser. Brian Mulroney était un homme dont la vie a été un témoignage de dévouement, de réussite et de débats», poursuit la coprésidente d'honneur de la Campagne majeure du Carrefour international et diplômée en droit et en administration des affaires à l'Université Laval.
Allié de tous les instants, Brian Mulroney a accompagné trois campagnes de financement pour son alma mater. «C'est un immense privilège d'avoir collaboré si étroitement avec M. Mulroney dans le cadre de la Campagne majeure. Nous lui serons éternellement reconnaissants de nous avoir insufflé son énergie et sa vision quant à la place que devait occuper le Québec sur la scène internationale. Nous garderons en souvenir son côté humain et sa généreuse disponibilité. Nous sommes fiers de pouvoir honorer ce grand homme qui a joué un rôle si important pour la société canadienne, québécoise et pour notre Université», a mentionné Caroline Girard, cheffe de la Direction de la philanthropie et des relations avec les diplômées et diplômés de l'Université Laval.
Encore le 2 novembre dernier, il attirait à Montréal un cercle de gens d'affaires et du milieu politique pour soutenir le Carrefour, projet de 80 M$ qui hébergera l'École supérieure d'études internationales (ESEI) et rassemblera des experts pluridisciplinaires en enseignement et en recherche pour former les prochains spécialistes sur les enjeux internationaux.
Il se réjouissait que les jeunes francophones qui aspirent à ce type de carrière ne soient plus obligés d'aller étudier à New York, à Paris, à Londres ou à Francfort, avait-il confié à ULaval nouvelles. Sans cacher une pointe d'envie, il avait ajouté: «Les études internationales, moi, je n'ai jamais connu ça, je n'ai jamais eu cet avantage-là, parce que ça n'existait pas dans mon temps.»
Après des études à l'Université Saint Francis Xavier et un passage à l'Université Dalhousie, en Nouvelle-Écosse, il a joint la Faculté de droit de l'Université Laval et fait partie de la promotion de 1963, aux côtés de Lucien Bouchard, ancien premier ministre du Québec, ou de Michael Meighen, ancien sénateur et chancelier de l'Université McGill.
Ses «golden years»
Dans un balado lancé cet automne pour expliquer son soutien au Carrefour international Brian-Mulroney, il rappelait le contexte sociopolitique bouillonnant de la ville de Québec durant ses études, et l'existence d'un parlement modèle à l'Université Laval. «Il y avait la dimension politique avec Jean Lesage et Daniel Johnson, deux géants de la politique moderne du Québec. Il y avait une dimension culturelle: la commission royale Parent sur l'éducation, la création d'Hydro-Québec, l'étatisation de l'électricité, la création de la Caisse de dépôt et placement... Les grands événements sociaux et politiques, on était là!», s'est-il remémoré, en soulignant avoir eu des «professeurs extraordinaires».
Dans ce même extrait, il ajoute: «C'est [l'Université] Laval qui m'a permis de vivre, de connaître la vie excitante et enrichissante que j'ai connue comme avocat, comme président de compagnie, comme premier ministre. Je considère que j'ai un devoir envers elle.»
«Nous sommes profondément attristés par le départ de Brian Mulroney, un homme d'État et un grand bâtisseur, a indiqué pour sa part Anne-Marie Laflamme, doyenne de la Faculté de droit. Il a toujours entretenu une complicité et un lien indéfectible avec la Faculté et ses confrères et consœurs de la promotion 1963, qu'il considérait comme sa deuxième famille. Cette époque, qu'il nommait affectueusement ses “golden years”, aura été les prémices d'amitiés sincères et de réalisations exceptionnelles. Homme engagé, visionnaire et artisan de paix, il aura inspiré plusieurs générations d'étudiantes et d'étudiants.»
Jonathan Paquin, directeur de l'ESEI, renchérit sur ce point: «Avec le Carrefour, nous sommes convaincus que notre communauté étudiante sera non seulement inspirée par son parcours, mais participera activement aux débats sur les enjeux diplomatiques et se taillera une place dans les grandes organisations internationales.»
Élevé au rang de compagnon de l'Ordre du Canada et de grand officier de l'Ordre national du Québec, Brian Mulroney a été honoré par plusieurs gouvernements et universités dans le monde. Il a d'ailleurs reçu un doctorat honoris causa de l'Université Laval pour l'ensemble de sa carrière et sa contribution exceptionnelle à la société.