Été 1978. Ghaiesh Ghourshagh, un petit village principalement agricole de l'Azerbaïdjan, province située au nord-ouest de l’Iran. Le jeune Mir Abolfazl, 8 ans, qui termine alors sa deuxième année du primaire, apprend une grande nouvelle, qui dessinera en fait la suite de son existence. Ses parents lui annoncent qu’ils déménagent pour Lavasan, une petite ville située en banlieue de «la Grande», soit Téhéran. Plus de 9 millions d’habitants.
Premier défi qui attend le jeune Mir à son arrivée près de la capitale iranienne: la langue. Lui qui ne parle que le turc devra apprendre rapidement le perse. Mais le jeune Mir Abolfazl est brillant, talentueux et apprend vite. Puis suivront le secondaire et l’université. Au collège, il étudiera à la Daneshmand, une école spécialisée dans les sciences,puis il amorcera en 1987 un baccalauréat en arpentage, concentration en génie civil, à l’Université de technologie de K.N. Toosi, à Téhéran.
«J'ai grandi au sein d'une famille qui comptait plusieurs membres travaillant dans le domaine de la construction. L’intérêt pour l’aménagement urbain et le génie civil m’est donc venu plutôt naturellement», indique Mir Abolfazl Mostafavi, professeur au Département des sciences géomatiques de l’Université Laval depuis 17 ans.
Souhaitant poursuivre sa formation aux cycles supérieurs, le jeune diplômé décroche une bourse très sélective pour aller étudier à l’étranger. Mais voilà, un autre défi apparaît devant lui: apprendre la langue française. C’est, en effet, à l’Université Laval qu’il réalisera sa maîtrise en géodésie, une science qui a pour but d'étudier la forme et les dimensions de la Terre.
«La langue française, dit-il, est magnifique, mais très complexe lorsque nous devons l’écrire. Par exemple, contrairement aux langues perse et anglaise, la notion de genre s’applique en langue française. Lors de mon admission à l’Université Laval, j’ai été classé au “niveau 0” en langue française… Bref, c’était un autre bon défi pour moi...» (rires)
Mir Abolfazl Mostafavi entame ses études de maîtrise en 1994, qui seront suivies d’un doctorat (2002) et d'un postdoctorat (2004). Il devient professeur à l’Université Laval en juin 2004. Aujourd’hui, il est notamment un chercheur régulier du Centre de recherche en données et intelligence géospatiales (CRDIG) et du Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et intégration sociale (CIRRIS).
Quand la science aide l’humain
«Vous savez, quand on enseigne, qu'on fait de la recherche et qu'on baigne dans des domaines et des sujets tels la géomatique, les mathématiques, les informations géographiques, c’est très fascinant et passionnant. Mais, quand à tout cela s’ajoute le sujet humain, voire plus précisément des personnes ayant des incapacités physiques dans la vie, et qu’on réalise qu’on peut créer quelque chose qui changera vraiment tout pour elles, alors, là, le travail devient d’autant plus gratifiant», témoigne le chercheur.
Mais de quoi parle Mir Abolfazl Mostafavi? De l’application Web MobiliSIG. Alors qu'il est stagiaire postdoctoral, mais aussi professeur et chercheur en début de carrière, il est grandement inspiré par le chercheur Geoffrey Edward de l'Université Laval, qui conçoit, avec des chercheurs du Holland Bloorview à Toronto – un important hôpital de réadaptation pour enfants –, des technologies qui viennent en aide au quotidien à des enfants en situation de handicap.
Ces travaux l’incitent d’ailleurs à devenir membre du CIRRIS et à développer des projets de recherche multidisciplinaires portant sur la mobilité et la participation sociale des personnes en situation de handicap.
Le projet MobiliSIG en est un exemple. En collaboration avec plusieurs chercheurs du CIRRIS et du CRDIG ainsi que plusieurs partenaires (Ville de Québec, Institut de réadaptation en déficience physique de Québec, Regroupement des organismes de personnes handicapées de la région 03), le professeur Mostafavi et son équipe travaillent sur la conception et le développement d’une technologie qui pourrait améliorer les déplacements des personnes à mobilité réduite se déplaçant en fauteuil roulant et, conséquemment, leur participation sociale et leur qualité de vie.
Prenons, par exemple, le cas de Marie, qui habite dans la basse-ville de Québec et qui doit aller faire son épicerie. Le chemin le plus court pour se rendre à l’arrêt d’autobus implique de traverser quelques rues en construction et de franchir une côte. Or, Marie est en fauteuil roulant. Elle doit donc évaluer la meilleure option pour elle. L’application MobiliSIG lui permettra justement de planifier ses déplacements et d'être guidée lors de ceux-ci, notamment en lui indiquant de façon précise le parcours le plus accessible et sécuritaire pour elle.
Si, pour certains, la pente d’un trottoir ou des rues endommagées peuvent paraître des détails bien anodins dans leur quotidien, il en est vraiment tout autrement pour des personnes à mobilité réduite, telle Marie.
«Le projet a commencé dans un groupe de réflexion du Programme de recherche Participation sociale et villes inclusives et a été mis sur pied par le CIRRIS. Une des forces de ce projet est qu’il regroupe non seulement des chercheurs provenant de secteurs divers, telles la santé, l’architecture et l’ingénierie, qui possèdent donc différentes expertises, mais aussi des professeurs, des étudiants et, bien évidemment, des personnes de la clientèle ciblée, précise Mir Abolfazl Mostafavi, qui est le chercheur principal de ce projet. En collaboration avec plusieurs organismes communautaires qui travaillent auprès des personnes avec des déficiences, nous avons donc développé, ensemble, une technologie multimodale (visuelle, tactile et auditive) d'assistance à la mobilité pour les personnes se déplaçant en fauteuil roulant.»
Un autre point fort de cette application mobile, dont la première version devrait être fonctionnelle à l'été 2022: la technologie sera adaptée et personnalisée pour chaque utilisateur, c’est-à-dire basée sur sa perception, son expérience ainsi que la nature et la sévérité de son incapacité physique.
Des nombreux témoignages entendus dans les groupes de discussion, Mir Abolfazl Mostafavi retient particulièrement celui de Simon April, 39 ans, citoyen en fauteuil roulant et employé du Comité d'action des personnes vivant des situations de handicap (CAPVISH), qui soulignait l'inaccessibilité de certains restaurants et commerces pour des personnes à mobilité réduite. «Mir, a-t-il dit, j’aimerais un jour pouvoir manger là où je veux plutôt que manger là où je peux.»
«Comme tout être humain, une personne ayant des incapacités physiques devrait avoir la possibilité de choisir ses destinations et ses parcours, et ce, en utilisant les mêmes environnements que ceux utilisés par la population générale», conclut le chercheur.
Mir Abolfazl Mostafavi, un professeur de l’Université Laval au parcours inspirant, qui a dû s’adapter bien des fois dans son parcours de vie et qui, maintenant, souhaite aider l'humain en améliorant grandement sa qualité de vie!
Sur l’application MobiliSIG, visionner une entrevue avec Mir Abolfazl Mostafavi
Pour en savoir plus sur le projet de recherche Améliorer la mobilité à l’ère des villes intelligentes et inclusives
Lire Améliorer l’accessibilité des personnes à mobilité réduite sur le site du Centre de recherche en données et intelligence géospatiales