Lui qui utilise généralement des pellicules en noir et blanc a opté cette fois pour des prises de vue couleur afin de ne rien perdre du festin visuel étalé devant ses yeux. Épris de paysages et de natures mortes, le photographe s’est promené dans la nature luxuriante. Il a aussi arpenté la ville de Merida où se déroulait la rencontre d’une vingtaine de photographes et d’auteurs mexicains et canadiens, raison de son séjour dans la région. Pendant un mois, les créateurs ont eu le loisir de débattre des mots et des images tout en découvrant une région marquée par son passé maya et l’héritage colonial espagnol. «Quelques semaines avant notre arrivée, l’ouragan Isadora avait dévasté une large portion du golfe du Mexique et beaucoup de débris d’arbres et autres jonchaient le sol en bordure de la mer, explique Richard Baillargeon. C’était dramatique de voir ça, mais les Mexicains ne se laissent pas arrêter. Ils reconstruisent et vivent le temps présent en jouant de la musique et en organisant des fêtes. Cela m’a frappé.»
Ce paradoxe «entre le côté grave et léger des choses», comme le précise le photographe, transparaît en filigrane dans l’exposition qui se présente comme un journal de voyage. En sont témoins ce crâne et ces ossements trouvés par hasard dans un cimetière, à l’ombre d’un mur. Il arrive fréquemment que les restes de personnes non réclamés après plusieurs générations soient entreposés ainsi dans des boîtes exposées aux intempéries. La présence d’une feuille de journal jaunie sous ce crâne anonyme apporte une touche ironique au cliché, auquel répond une série de réflexions de voyage aux côtés des figures naïves d’un jeu local, la loteria. À l’autre bout de la salle, l’ombre géométrique d’une fenêtre, derrière une table de dissection fendue, donne une allure sacrée à la scène, tandis qu’un fier palmier se joue des rayons du soleil levant à sa gauche. D’autres clichés témoignent avec minutie et précision des traces laissées par les différentes couches de peinture sur les murs ou explorent avec délices les jeux d’ombre que s’amuse à tracer la lumière rasante du matin ou de la fin d’après-midi. À recommander à tous les affamés de couleur.
Jusqu’au 26 novembre, à la Galerie des arts visuels, située au 295 boulevard Charest Est, du mercredi au vendredi de 11 h 30 à 16 h 30 et le samedi et dimanche de 13 h à 17 h.