«J’ai réalisé un travail de terrain ethnographique crédité auprès de Tono Magokoro Net, une association à but non lucratif, explique-t-elle. Ce nom signifie “Les liens du cœur de Tono”. L’association a été fondée après la catastrophe de 2011. Mes questions de recherche visaient à comprendre l’expérience, la motivation et la vision des bénévoles à l’œuvre dans la région.»
Charlotte Hillion a présenté les faits saillants de son expérience le 6 novembre dernier au pavillon Charles-De Koninck à l’occasion d’une activité organisée par le groupe de travail sur l’Asie du Département d’anthropologie.
La catastrophe naturelle du 11 mars 2011 a fait 18 000 morts et disparus, et ravagé 600 kilomètres de côtes. L’action combinée du séisme et du tsunami a de plus causé un accident dans une centrale nucléaire. «J’étais à plus de 200 kilomètres de la centrale nucléaire de Fukushima, précise l’étudiante. Le niveau de radioactivité dans la région était faible.»
Il s’agissait du deuxième voyage de Charlotte Hillion au pays du soleil levant. Sa maîtrise de la langue japonaise lui a été utile, en particulier avec les personnes qu’elle a interrogées. C’est d’ailleurs pour être plus facilement acceptée par celles-ci qu’elle se présentait et agissait comme une bénévole.
Selon elle, plus d’un million de personnes ont donné de leur temps dans les zones sinistrées en moins d’un an. Son groupe pouvait varier de 30 à 200 personnes. «Chaque jour, dit-elle, des gens arrivaient ou partaient. Certains étaient là pour une journée, un mois ou un an.»
À 7h30 du matin, les responsables de l’association informaient les bénévoles sur les activités à faire ce jour-là. «Nous avions des activités sur place, où vivaient de nombreux évacués des villes côtières, explique Charlotte Hillion. Ces gens ne voulaient pas retourner près des côtes par crainte d’un autre tsunami. Nous nous déplacions aussi dans quatre villes situées sur la côte.»
Cet été, les travaux de nettoyage étaient avancés presque partout. L’étudiante a pris part à des activités de reconstruction et de soutien communautaire. Elle a scié de petits arbres, nettoyé des documents retrouvés dans les débris, planté des fleurs et même participé à l’aménagement d’un terrain pour la pratique du soccer. «J’ai aussi pris le thé avec des personnes âgées et de jeunes mères, poursuit-elle. Bref, les bénévoles contribuaient à la reconstruction physique, sociale et à petite échelle de la communauté.»
Charlotte Hillion a pu échanger avec plusieurs bénévoles sur leur démarche personnelle. Elle a aussi fait des entretiens approfondis avec trois femmes et deux hommes. Tous de nationalité japonaise, ces cinq individus de 40 ans et moins étaient issus des milieux de la recherche, de l’enseignement, de la santé et des affaires. Une seule personne était mariée et aucune n’avait d’enfant. «Ils étaient là parce qu’ils avaient envie d’aider leur prochain, souligne-t-elle. J’ai trouvé qu’ils accordaient beaucoup d’importance aux relations humaines, à leur création et à leur maintien.»
Globalement, les nombreux bénévoles à qui l’étudiante a parlé avaient développé des liens très forts avec la communauté, tissés d’amitié et de confiance. «Certains, dit-elle, étaient revenus plusieurs fois pour revoir ceux et celles qu’ils avaient aidés. Cette expérience a apporté une sorte de motivation à la grande majorité d’entre eux quant à leur vie professionnelle et privée. Ils souhaitaient refaire du bénévolat.»
Les rencontres de Charlotte Hillion avec les bénévoles et les sinistrés resteront pour elle un précieux souvenir. «J’ai beaucoup appris d’eux», conclut-elle.