«Cette nouvelle génération de Québécois, appelée Z, est née à partir de 1995, année du second référendum sur la souveraineté du Québec, rappelle le professeur Éric Montigny, du Département de science politique. Les Z, au nombre d’environ 1,2 million d’individus, forment une génération très différente des précédentes. Avec eux, nous sommes entrés dans autre chose.»
Éric Montigny a codirigé la réalisation de La révolution Z. Comment les jeunes transformeront le Québec, un passionnant essai de 234 pages paru à l’automne 2019 aux Éditions La Presse. L’autre codirecteur est l’éditorialiste du journal La Presse, François Cardinal. Le professeur signe une longue introduction. Il est également l’auteur, avec la doctorante Katryne Villeneuve-Siconnelly, d’un chapitre sur l’engagement politique des jeunes de la génération Z. Deux autres professeurs du Département de science politique figurent parmi les experts ayant contribué au livre. François Gélineau, l’actuel doyen de la Faculté des sciences sociales, a signé un chapitre intitulé «Les jeunes, les élections et la démocratie au Québec: une réalité en pleine (r)évolution». Pour sa part, Yannick Dufresne a produit le contenu d’un chapitre intitulé «La génération Z sous la loupe de la Boussole électorale» avec la collaboration de deux finissants à la maîtrise, Nadjim Fréchet et Justin Savoie.
Un échange sur Twitter a servi de déclencheur à ce projet de livre. À l’aube de l’élection générale québécoise d’octobre 2018, Éric Montigny et François Cardinal débattaient du poids politique de la nouvelle génération. L’idée d’un colloque a pris forme à ce moment-là. Il s’est tenu durant la campagne électorale. La révolution Z se veut le compte-rendu de ce colloque intergénérationnel qui réunissait des universitaires, des membres de la société civile, des sondeurs et des journalistes. De la génération dite silencieuse à celle des Z, en passant par les baby-boomers, les X et les Y, les participants ont abordé plusieurs volets de la réalité des Z.
«La nouvelle génération n’a pas été socialisée aux mêmes enjeux politiques que les générations précédentes, explique Éric Montigny. Le clivage causé par le projet d’indépendance du Québec a fait place à un événement marquant: la crise étudiante de 2012 avec les carrés verts et les carrés rouges.»
Un sondage révélateur
À l’été 2018, 510 jeunes Québécois de la génération Z et admissibles à voter ont répondu à un questionnaire en ligne sur l’engagement social et politique des 18-25 ans. Le sondage a été administré conjointement par La Presse, la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires de l’Université Laval et la firme Ipsos.
«Seuls 8% des répondants se disaient citoyens du monde, indique le professeur Montigny. La plupart se définissent comme profondément Québécois attachés au Québec.»
Comme l’a démontré l’élection d’octobre 2018, les «vieux partis» comme le Parti libéral et le Parti québécois sont en perte de vitesse auprès des nouveaux électeurs. Ces derniers ont affiché une nette préférence pour Québec solidaire et la Coalition avenir Québec. L’environnement, mais aussi la question nationale, l’immigration et l’économie trouvent une résonance particulière chez les Z.
«Cette élection a permis de voir un changement générationnel s’opérer avec des enjeux qui n’étaient pas relatifs à la constitution, souligne-t-il. Les députés de l’Assemblée nationale issus de la génération X forment maintenant la majorité au Parlement.»
Les jeunes de la génération Z constituent la génération la plus diplômée de l’histoire du Québec. Ils sont aussi les plus en contact avec la diversité.
Si les Y ont grandi avec la technologie, on peut dire que les Z sont nés avec elle. Ils sont connectés en permanence. Les premiers avaient peu d’intérêt pour la conduite automobile. Ce désintérêt est encore plus marqué chez les seconds. Pour eux, posséder un téléphone cellulaire a plus d’importance, pour leur sentiment d’indépendance, qu’obtenir un permis de conduire. Les Z ne peuvent imaginer une société sans textos ni réseaux sociaux.
«Ils ne voient pas ça comme un problème, dit-il, mais comme quelque chose de naturel. Leur langue première, c’est le numérique.»
Mais cette connexion constante a un prix. Plusieurs d’entre eux ont un problème de cyberdépendance. Les échanges numériques ayant pris le dessus sur les interactions directes, les Z ressentiraient un malaise par rapport aux contacts interpersonnels. Il a également été observé que la capacité d’attention des Z en classe serait inférieure à celle de leurs aînés.
«Dans mon enseignement, explique Éric Montigny, j’ai vu cette transition des Y vers les Z. Les universités sont les premières à voir les changements générationnels. Elles intègrent maintenant des concepts de pédagogie inversée où les cours magistraux sont remplacés par la participation active des étudiants. Il importe de concevoir des outils d’apprentissage encore plus interactifs permettant de rejoindre ces étudiants et de garder leur attention.»