Paryse Martin n'est plus, mais sa voix résonne toujours dans les couloirs de l'École d'art de l'Université Laval, où elle enseignait depuis plus de 25 ans. Celle qui est décédée le 4 mars à l'âge de 64 ans laisse une marque indélébile dans le cœur de ses collègues, ses étudiants et tous ceux qui l'ont côtoyée.
«Paryse Martin a noué au cours de sa vie des liens forts avec des gens d'horizons extrêmement variés, souligne Georges Azzaria, le directeur de l'École d'art. Que la personne devant elle soit étudiante, professeure titulaire, chargée de cours ou technicienne, ça ne changeait strictement rien. Elle traitait tout le monde avec égalité et énormément de respect.»
En plus de sa carrière d'enseignante, Paryse Martin était de ces piliers de l'art visuel à Québec. Ses œuvres, à la fois étranges et fascinantes, ont été exposées dans plusieurs pays et font partie de collections publiques et privées, notamment celles du Musée national des beaux-arts de Québec, de la Ville de Montréal et de l'École polytechnique de Breda en Hollande. On lui doit aussi de nombreuses œuvres d'art public.
En entrevue avec ULaval nouvelles en 2014, alors qu'elle recevait le prix Videre création en arts visuels, Paryse Martin admettait avoir peu d'intérêt pour les récompenses et distinctions. Faire de l'art pour recevoir des éloges, très peu pour elle. Ce qui l'animait: s'exprimer à travers la sculpture, l'installation, la gravure, l'illustration, l'animation et tant d'autres disciplines pour créer des univers baroques et surréalistes dont elle seule avait le secret.
C'est justement ce que retient Kathia Martineau de son ancienne enseignante: sa dévotion pour l'art. «Avec ses créations sublimes et oniriques, sa philosophie, ses méthodes, son implication et sa manière d'être, Paryse a construit une œuvre punk féministe qui constitue une source d'inspiration et d'admiration.»
De son côté, Francis Ouellet se souvient d'une pédagogue qui prenait le temps d'apprendre à connaître ses étudiants. «Elle aimait l'univers créatif de ses étudiants et y plongeait avec une grande tendresse. Elle était douce, attentionnée, vraie et sincère en toute circonstance. Pour bien des gens, elle a montré des chemins à arpenter.»
Une opinion partagée par Nina Tecchio Verge, qui a eu le plaisir de suivre plusieurs cours de son certificat en arts plastiques et de son baccalauréat en arts visuels et médiatiques avec elle. «Elle nous transmettait une éthique de travail. Avec elle, il fallait être organisés et investis dans nos projets. Il ne fallait surtout pas faire preuve de paresse; elle avait le flair pour nous démasquer si on avait fait un travail sans un minimum de méthodologie ou de réflexion.»
D'autres diplômés qui ont été joints pour les besoins de cet article ont mentionné son humour, sa patience et surtout son désir d'amener les étudiants plus loin dans leur création. Sous ses judicieux conseils, ils ont été plusieurs à se retrousser les manches et sortir de leur zone de confort.
«Pour Paryse, l'art s'inscrivait dans l'échange, ajoute Georges Azzaria. Il y avait cette idée de la provocation, présente dans ses œuvres, mais aussi de l'échange et de l'ouverture. Pour elle, si une personne était rendue à l'université dans un programme en arts, elle avait déjà une ouverture. En tant que pédagogue, elle voulait accompagner cette personne dans sa décision d'être artiste et voir jusqu'où elle peut aller.»
Une vie partagée entre l'art et l'enseignement
Née à Caribou, dans l'État du Maine aux États-Unis, Paryse Martin a fait des études à l'Université Laval – un baccalauréat (1986) et une maîtrise en arts visuels (1994) – avant de devenir chargée d'enseignement en 2000. Sept ans plus tard, elle terminait sa formation avec un doctorat en études pratiques des arts à l'Université du Québec à Montréal.
Chaque jour, elle voyageait entre l'édifice La Fabrique et son atelier, où elle multipliait les projets de création et collaborations artistiques. «Tout juste avant son décès, Paryse venait de donner un cours et avait échangé avec des techniciens avant de retourner travailler sur un projet d'art public. Cette histoire est révélatrice de la personne qu'elle était, toujours dans l'action», indique Georges Azzaria.
Avec la famille de la défunte et divers acteurs culturels, le directeur de l'École d'art et son équipe préparent une activité commémorative pour rendre hommage à Paryse Martin. Les détails de cette initiative fort attendue seront annoncés sous peu.