Sabrina Doyon est professeure au Département d’anthropologie de l’Université Laval. Le lundi 22 avril, la Faculté des sciences sociales a diffusé sur sa page YouTube une vidéo de près de sept minutes dans laquelle la professeure aborde la production alimentaire «alternative» au Bas-Saint-Laurent. Ce document est le quatrième d’une série de sept appelée Facettes sociales. Regards sur les enjeux climatiques.
La présentation de la professeure Doyon s’intitule «Cultiver l’avenir vert». «En anthropologie de l’environnement, mon groupe d’étudiants et moi, nous nous sommes penchés sur la région du Bas-Saint-Laurent, explique-t-elle. Nous avons étudié toutes sortes de pratiques qui mettent en valeur l’environnement. Les projets concernent les productions alimentaires biologiques, la pêche artisanale, la collecte de champignons en forêt, la conservation environnementale.»
Selon elle, le Bas-Saint-Laurent connaît une perte de biodiversité et une dégradation du territoire. «Les promoteurs des projets que nous avons étudiés sont des ruraux et des néoruraux, poursuit-elle. La protection de la nature représente une valeur fondamentale pour eux. Leurs projets sont vraiment des projets de vie qu’ils portent en eux. Ces personnes sont très réseautées avec beaucoup de connexions à l’international. Elles valorisent la production locale et les circuits courts.»
Une crise vue sous l’angle de la justice
Chaque lundi, la Faculté convie la communauté universitaire à voir et entendre une experte ou un expert commenter, à la lumière de recherches récentes, un volet particulièrement digne d’intérêt du grand et complexe dossier des changements climatiques.
Les trois premières capsules mises en ligne portent sur la justice climatique, sur la transition sociétale dans le secteur de l’énergie et sur l’acceptabilité sociale de la transition énergétique. Les professeurs sont respectivement Marie-Hélène Deshaies, de l’École de travail social et de criminologie, Dominique Morin, du Département de sociologie, et Alexandre Gajevic-Sayegh, du Département de science politique.
Selon la professeure Deshaies, la justice climatique réfère à l’idée d’inégalité sociale et fait partie plus largement de la question de la justice environnementale. «Il existe trois formes d’injustice climatique, soutient-elle. D’abord, il y a ces pays souvent du Sud qui subissent déjà plus fortement les effets de la crise climatique. Vient ensuite l’injustice intergénérationnelle, alors que les plus jeunes vont subir davantage les impacts. Enfin, il y a certains groupes de la population qui, en situation de pauvreté, de marginalisation, de vulnérabilisation, vont eux aussi subir plus fortement ces effets. Par exemple, ces personnes vont souvent vivre dans des quartiers où il y a moins d’arbres, donc plus d’îlots de chaleur.»
Selon elle, le temps est venu d’une réponse politique de reconnaissance de cet enjeu qu’est la justice climatique. «Une telle réponse, poursuit-elle, pourrait peut-être mener à la constitution d’indicateurs de justice climatique pour les personnes en situation de plus grande vulnérabilité.»
Diminution de la production de pétrole et de gaz naturel et tarification du carbone
Le professeur Gajevic-Sayegh définit l’acceptabilité sociale comme le résultat d’un jugement collectif sur un projet ou une politique donnée. Elle peut être positive ou négative, elle évolue continuellement et on la retrouve à différents paliers de gouvernance.
Dans sa présentation, il explique les résultats préliminaires d’un de ses projets de recherche. «Nous avons essayé, dit-il, de tester l’acceptabilité sociale de deux grandes politiques pour la lutte contre les changements climatiques: la diminution de la production de pétrole et de gaz naturel, et la tarification du carbone à l’échelle du Canada. Nous avons essayé de voir quel était le soutien de la population pour ces deux mesures dans cinq provinces: Colombie-Britannique, Alberta, Saskatchewan, Ontario et Québec.»
Les chercheurs ont observé, par exemple, que le soutien était faible en Alberta et en Saskatchewan, lesquelles dépendent beaucoup de ces industries. Mais le soutien a énormément augmenté, en particulier dans ces deux provinces, lorsque ont été inclus les bénéfices économiques de la transition énergétique. «Ces bénéfices, indique le professeur, comprennent la création d’emplois verts ainsi que la prise en charge des travailleurs du secteur et des communautés touchées durant la transition. On peut donc dire que les mesures pour une transition juste vont effectivement aider l’acceptabilité sociale de la transition énergétique.»
Les retraités, au cœur des gestes écocitoyens
D’entrée de jeu, le professeur Morin rappelle que le Québec est parmi les sociétés où la consommation énergétique par habitant est la plus élevée. «Une enquête par questionnaire, précise-t-il, révèle que les gestes écocitoyens les plus courants visant l’économie d’énergie, les pratiques les mieux intégrées aux routines et aux habitudes, ne se voient pas chez les jeunes, mais bien chez les retraités.»
Selon lui, quand on entreprend des actions visant à mobiliser les gens pour la transition énergétique, il faut considérer les retraités, qui en font déjà beaucoup. «Ils ont la disponibilité pour agir, affirme-t-il. Il faut se figurer qu’ils sont pour beaucoup parmi les baby-boomers, lesquels ont été les premiers porteurs de la cause environnementale.»
Avec des étudiants, Dominique Morin mène des projets de recherche sur la consommation énergétique de la population québécoise en partenariat avec le laboratoire des technologies de l’énergie d’Hydro-Québec. «Nos vis-à-vis, dit-il, ont des préoccupations pratiques d’accompagnement, notamment de leurs abonnés. Mais le laboratoire s’ouvre à faire de la recherche sociologique. Ce qui nous intéresse est de comprendre la consommation énergétique relativement aux manières de bâtir nos villes, nos villages, de les habiter, de s’y déplacer.»
Le 29 avril, Mathieu Dupuis, du Département des relations industrielles, fera porter sa présentation sur les aspects travail et emploi de la crise climatique. Le 6 mai, Philippe Barla, du Département d’économique, se penchera sur l’électrification des transports. Enfin, le 13 mai, Isabelle Denis, de l’École de psychologie, abordera la question de l’écoanxiété chez les jeunes.