Les mélomanes, particulièrement les mordus d’opéra, sont conviés le dimanche 10 et le mardi 12 mars au Théâtre de la cité universitaire (TCU). L’endroit présentera Le couronnement de Poppée, un opéra en trois actes inspiré de la vie de l’empereur romain Néron, créé en 1642 par le compositeur italien Claudio Monteverdi. D’une durée d’une heure 45 minutes, cette production de l’Atelier d’opéra, mais aussi de l’Atelier de musique baroque, tous deux rattachés à la Faculté de musique de l’Université Laval, sera chantée en langue italienne. Des surtitres en français défileront sur un écran installé au-dessus de la scène.
Une vingtaine d’étudiantes et d’étudiants se produiront sur la scène comme chanteurs ou comme musiciens dans la fosse d’orchestre aménagée pour l’occasion. Les interprètes porteront des vêtements d’aujourd’hui.
L’intrigue tourne autour de cet empereur qui a régné de 54 à 68 de notre ère. Marié à l’impératrice Octavie, il s’éprend passionnément de Poppée, la femme d’Othon. Afin de l’épouser, Néron décide de répudier Octavie, ce à quoi s’oppose son fidèle conseiller, le philosophe Sénèque. Cette opposition vaudra à celui-ci une condamnation à mort de la part de l’empereur.
Plusieurs défis pour un chanteur
Le personnage de Néron sera interprété par Jean-Philippe Lavoie, qui terminera en mai sa troisième année du baccalauréat en musique. Comme un bon nombre de diplômés de la Faculté, il est membre du Chœur de l’Opéra de Québec. Le Couronnement de Poppée est sa troisième participation à une production de l’Atelier d’opéra.
Selon lui, cette œuvre comporte plusieurs défis pour un chanteur. «Nous sommes aux balbutiements de l’opéra, explique-t-il. Le langage est très proche du théâtre, de l’émotion, du senti, avec beaucoup de récitatifs, ces parties chantées qui suivent les inflexions de la langue. Le défi, comme chanteur, est d’être précis. Il y a des figures de rythmes à respecter pour que l’orchestre nous suive. Les airs, quant à eux, sont courts. En comparaison, dans un opéra de la période romantique, un air peut durer 5, 6 ou 7 minutes.»
Néron, il le décrit comme un personnage complexe, assez noir et sombre. «Mais dans cette œuvre, dit-il, il a vraiment le rôle de l’amoureux qui veut tout faire pour mener Poppée au pouvoir. Ce personnage est un peu instable. Il est passif-agressif, narcissique. Il a des réactions vives, soudaines, imprévisibles. Il peut être très tendre et soudain très violent. Ce rôle est complexe à jouer, mais en même temps très agréable avec toute cette palette d’émotions qu’on peut aller chercher.»
Pour Jean-Philippe Lavoie, entrer dans son personnage se fait par moments au détriment de la beauté de la voix. «Lorsque Néron parle à Octavia, qu’il n’aime pas, il s’emporte par moments, indique-t-il. Je suis alors à la limite du cri et de la voix. J’aime jouer un petit peu avec ça.»
Le texte à la base de la construction d’un personnage
Depuis le début janvier, la chargée de cours à la Faculté de musique Érika Gagnon assure la mise en scène du Couronnement de Poppée. Elle rappelle qu’un texte, que ce soit au théâtre ou à l’opéra, comporte, à la base, plusieurs éléments essentiels à la construction d’un personnage. Il comporte également du sous-texte. Et la plurant du temps, ce qui est non dit est beaucoup plus important et offre des clés déterminantes.
Dans sa préparation, la chargée de cours a fait des recherches sur l’époque de la Rome antique et le règne de Néron pour alimenter les discussions sur l’interprétation et les motivations des personnages.
Dans son travail avec les interprètes, elle a tenté de comprendre, en collaboration avec ces derniers, ce qui se cachait sous leurs répliques, pour nourrir leurs actions. «Nous avons fouillé les intentions des personnages pour motiver chaque déplacement, souligne-t-elle, et nous assurer que le public pourrait s’attacher aux personnages, malgré leurs désirs et envies souvent discutables.»
Selon Érika Gagnon, Poppée a possiblement été le grand amour de Néron. «On est intrigué, poursuit-elle. On veut connaître ce qui a pu sous-tendre cet amour. J’ai l’impression que c’est ce qui fait la richesse de cet opéra, dont on dit que c’est un bijou du répertoire italien.»
Ce n’est pas une mince affaire que de vouloir comprendre comment quelqu’un accepte de partir, de quitter sa patrie, ou même la vie, parce qu’un ordre impérial le lui impose. «Pourquoi ne pas se rebeller, pourquoi prendre le large sans se défendre? demande-t-elle. Pourquoi? Ce sont quelques-uns des questionnements qui ont été soulevés lors de nos répétitions.»
À l’avant-garde de la période baroque
Le volet musical de cette production a été confié à deux enseignants de la Faculté de musique. La claveciniste Anne-Marie Bernard a assuré la direction artistique avec les chanteurs du début à la fin du projet. Le claveciniste et professeur Richard Paré, quant à lui, était responsable de la direction d’orchestre. L’ensemble comprend des violons, un violoncelle, une viole de gambe, un théorbe, une flûte à bec, un orgue positif et des clavecins ainsi qu’une régale.
«Le Couronnement de Poppée est l’un des premiers opéras de l’histoire, rappelle Anne-Marie Bernard. Monteverdi chevauche deux périodes, comme Beethoven qui se situait entre le classique et le romantique. Monteverdi était l’avant-garde de la période baroque. Il a écrit des œuvres très complexes qui appartiennent au style de la Renaissance. Autant, il apporte plein de choses quand le baroque est lancé.»
Richard Paré renchérit. «Dans les partitions des opéras plus tardifs, soutient-il, toutes les indications sont là. On voit ce que le compositeur veut. C’est facile. Harmoniquement, on dit quel accord on met ici ou là. Avec Monteverdi, on est à l’époque où on passe de la musique modale à pleinement tonale.»
La directrice artistique a eu la première l’idée de cette œuvre pour la production 2023-2024 de l’Atelier d’opéra. Rapidement, elle a associé le professeur Paré et l’Atelier de musique baroque à son projet. «Pour les étudiants, affirme-t-elle, ce grand projet a représenté un apprentissage extraordinaire au niveau musical et de la connaissance musicale. Choisir une œuvre non seulement baroque, mais parmi les premières du genre, représentait un défi. Personne n’était familier avec ce style-là.»
Le choix du Couronnement de Poppée dépendait aussi des voix disponibles l’automne dernier. L’équilibre entre rôles principaux et plus petits rôles dans les opéras envisagés entrait également dans le choix de l’œuvre. «L’effectif de l’Atelier d’opéra comprenait un haute-contre, un jeune ténor, une soprano très solide, une contralto, explique-t-elle. C’est mon effectif. Qu’est-ce que je peux monter avec eux?»
Anne-Marie Bernard insiste sur ce qui fait le succès d’un opéra: le livret et son rythme. «Comment raconter une histoire, qu’on suive les personnages, qu’on soit intrigué, ça monte tout le temps. C’est toujours en action, jusqu’à la fin de l’histoire. Octavia est répudiée, elle doit quitter Rome et sa patrie. Cette scène magnifique mène au couronnement de Poppée et à ce plus beau duo que Monteverdi a pu composer.»
Un rendez-vous au TCU
Les représentations du Couronnement de Poppée auront lieu le dimanche 10 mars, de 15h à 17h, et le mardi 12 mars, de 19h30 à 21h30, au Théâtre de la cité universitaire au pavillon Palasis-Prince. Les billets, électroniques seulement, sont à 15$ et 10$ pour les étudiants. On peut se les procurer en ligne à lepointdevente.com. Il n’y aura aucune vente de billets à la porte le jour du concert. Notez que le stationnement est payant le mardi.