Le professeur Gérard Duhaime enseigne au Département de sociologie de l’Université Laval. Le 15 juin, cet expert des questions nordiques obtenait du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada une importante subvention de l’ordre de 2,5 millions de dollars. Ce financement lui permettra, ainsi qu’à l’Université Laval, de diriger durant cinq ans un ambitieux projet de recherche, le Partenariat circumpolaire WAGE. Celui-ci porte sur les inégalités économiques et sociales dans les régions arctiques de la planète. Il réunira une vingtaine d’établissements universitaires et centres de recherche répartis dans les huit pays ayant une partie de leur territoire dans cet espace.
«C’est un projet considérable, d’une envergure telle qu’il peut mener très loin, explique le professeur Duhaime. Il va permettre la réalisation de plusieurs mémoires et thèses, ainsi que la tenue de plusieurs conférences. Ce défi scientifique et humain devrait réunir une trentaine d’étudiants, dont un certain nombre proviendra de l’Université Laval. Ce sera pour eux une expérience extraordinaire, qui les mettra en contact avec un univers d’experts de plusieurs pays, principalement en économique, en sociologie, en géographie et en droit.»
Les travaux de recherche des étudiants favoriseront la comparabilité et la complémentarité entre eux. «Ils conduiront à la formulation de recommandations pour favoriser l'équité et la justice sociale», poursuit celui qui est titulaire de deux chaires de recherche, l’une sur la condition autochtone comparée, l’autre en sciences sociales appliquées à la recherche nordique.
Dans le cadre de ce projet, des partenaires autochtones joueront un rôle déterminant. Ils proviendront de cinq des six organisations autochtones internationales siégeant au Conseil de l’Arctique, un forum intergouvernemental. Ils guideront le Partenariat vers les enjeux qu’ils définissent comme prioritaires et ils orienteront les travaux de façon à ce que la connaissance coproduite intègre leur perspective et qu'elle leur soit retournée.
«La présence de ces partenaires favorisera la pertinence de nos travaux», soutient le professeur.
Les chercheurs réunis au sein du projet mèneront leurs travaux en Alaska (États-Unis), au Nunavut (Canada), au Groenland, en Islande, en Norvège, en Suède et en Finlande, ainsi que dans le territoire polaire de la Fédération de Russie. Environ la moitié des chercheurs proviendront de l’extérieur du Canada. Mentionnons, parmi les universités partenaires, l’université d’État Lomonossov de Moscou, l’Université du Groenland / Ilisimatusarfik et l’Université du Nord de l’Iowa.
Les inégalités ne sont pas des fatalités
Le Partenariat travaillera avec les collectivités locales, les régions et les États. Il répondra aux appels lancés au Conseil de l’Arctique pour que les États s’attaquent aux inégalités affectant particulièrement les peuples autochtones et pour amorcer une transformation fondamentale de la distribution de la richesse produite dans l’Arctique. Ce projet entend répondre aux questions suivantes: comment se caractérise la distribution de la richesse dans l’Arctique et le Nord? Quelles sont les dynamiques en cause? Quelles sont les approches favorisant une plus juste distribution de la richesse dans ces sociétés? Le premier axe de recherche portera sur la situation actuelle des inégalités, le deuxième sur les trajectoires des inégalités et le troisième sur les changements qui permettraient de modifier la structure et les tendances des inégalités.
«Le Partenariat montrera que les inégalités ne sont pas des fatalités, affirme Gérard Duhaime. Il fera voir que les mécanismes de contrôle économique, politique et idéologique façonnent les inégalités et que, selon l’agencement de ces contrôles, le degré des inégalités varie d’une société à l'autre. Il démontrera que les inégalités sont produites au sein des rapports sociaux et peuvent être modifiées par les sociétés.»
Le professeur Duhaime est sur la piste des inégalités depuis longtemps. «J’ai commencé mes recherches au Québec, ensuite je les ai étendues au Canada, souligne-t-il. Avec la venue d’Internet, j’ai exploré d’autres pays de la zone circumpolaire au moyen de banques de données des agences statistiques nationales pour étudier certains indicateurs.»
La première année du Partenariat, le comité d’orientation lancera un appel de projets aux chercheurs. Ceux-ci devront expliquer en quoi leur projet pourra contribuer à élucider un élément d’inégalité.
«Avec les travaux de nature statistique, dit-il, il sera possible, par exemple, de comparer le revenu des ménages d’un pays à l’autre. L’approche comparatiste sera au cœur des projets de recherche. Les chercheurs d’ici pourront ainsi voir que des populations de l’autre côté du globe vivent des difficultés similaires à celles, par exemple, d’Amérique du Nord, que ce soit le manque d’accès à une éducation dans sa langue maternelle, ou à un métier. Le dialogue international peut permettre des solutions, des solutions qui peuvent être importées.»
Les projets de recherche aborderont des indicateurs tels que la croissance de la population, le pourcentage de femmes, l’espérance de vie, la mortalité infantile, le revenu disponible et le produit intérieur brut (PIB) régional. Au Nunavut, la majorité de la population est inuite. Le revenu disponible est parmi les plus bas, de même que le PIB régional. L’espérance de vie est parmi les plus faibles. Les régions arctiques d’Europe présentent des valeurs égalitaires élevées, notamment pour le revenu disponible, le pourcentage de femmes dans la population et l’espérance de vie. La mortalité infantile est faible.