Le 27 mars, à la bibliothèque Paul-Aimé-Paiement, le doctorant en histoire Alex Tremblay Lamarche présentera une conférence sur le sujet. Spécialiste des relations entre les élites anglophones et francophones du Québec au 19e siècle, il a été invité par la Société d'histoire de Charlesbourg à venir raconter les événements qui ont amené Québec à se franciser. Il en profitera pour aborder les répercussions de ce changement de cap dans les sphères économique, politique, culturelle et militaire.
«Au 19e siècle, explique-t-il, Québec a connu un changement très important dans sa structure. À partir de 1867, le pouvoir britannique se déplace vers Ottawa. En 1871, l'armée britannique quitte la ville et sera remplacée par une milice francophone. Grâce à une conjoncture d'événements et à la volonté de certains Canadiens français, le français a repris tranquillement sa place, autant comme langue utilisée que dans le pouvoir exercé par les francophones.»
Avec l'industrialisation, plusieurs marchands provenant des régions environnantes s'installent à Québec pour tenter leur chance. L'économie, jadis gérée par des constructeurs de navires et des exportateurs de bois principalement anglophones, passe aux mains des francophones. On peut penser, par exemple, à Isidore Thibaudeau, un grossiste originaire de Portneuf qui fera construire l'entrepôt qui porte son nom sur la rue Dalhousie. Riche homme d'affaires, il contribuera à la fondation de la Banque Nationale avant de se lancer en politique fédérale.
L'émergence d'une nouvelle élite contribue à consolider les institutions canadiennes-françaises. L'Université Laval est créée. Des lieux de sociabilité comme la Société Saint-Jean-Baptiste, le club de crosse Champlain et la Société Casault prennent forme. L'offre de loisirs destinés à la bourgeoisie franco-catholique augmente considérablement. Le nombre de pièces de théâtre présentées en français double entre les années 1860 et 1870.
Ce contexte favorise la montée d'un sentiment d'appartenance très fort. «On sent une volonté de mettre de l'avant la langue française, de lutter contre les anglicismes et de protéger la religion catholique et le fait français. À cette époque, beaucoup de Canadiens français émigraient aux États-Unis et on s'inquiétait de leur assimilation. Québec deviendra un fer de lance de cette affirmation identitaire qui va se vivre à l'échelle nord-américaine», raconte Alex Tremblay Lamarche.
Encore aujourd'hui, l'architecture de la ville témoigne de ce désir des Canadiens français de reprendre leur place. «Vers la fin du 19e siècle, on veut redonner à Québec une apparence plus francophone, explique l'historien. L'église Saint-Jean-Baptiste en est un bon exemple. Elle a été construite par l'architecte Joseph-Ferdinand Peachy, qui s'est inspiré de la Trinité de Paris. La situation est la même avec le Parlement de Québec, inspiré du Louvre, et l'ancien palais de justice, devenu le ministère des Finances.»
Le retour du fait français a aussi eu des conséquences sur la toponymie des lieux. Le parc Spencer Wood, baptisé ainsi en l'honneur du politicien britannique Spencer Perceval, sera renommé Bois-de-Coulonge en 1950. Le phénomène n'est pas propre à Québec. Plusieurs villes ont changé de nom au cours des 19e et 20e siècles. Entre autres exemples, Fraserville est devenue Rivière-du-Loup et Dorchester, Saint-Jean-sur-Richelieu.
Pendant ce temps, les anglophones de Québec – ceux qui sont restés – se mobilisent pour protéger leur identité culturelle et linguistique. La Literary and Historical Society of Quebec, l'organisme derrière le Morrin Centre, l'hôpital Jeffrey Hale, fondé à l'origine pour la communauté protestante, et le Saint Brigid's Home, un centre d'hébergement pour aînés, sont autant de traces qui subsistent de cette époque et qu'Alex Tremblay Lamarche vous invite à découvrir le 27 mars, à compter de 19h30.
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