Rappelons que la musique génère sur le tympan une pression acoustique dont l'amplitude dépend de plusieurs facteurs, notamment la distance entre l'auditeur et la source, le volume sélectionné par l'auditeur sur l'appareil de diffusion et l'intensité sonore de la chanson fixée au moment de la captation. Ainsi, si l'on fait tourner 100 chansons différentes sur un appareil dont le volume est fixe, l'intensité sonore perçue par une personne placée à une distance donnée de la source dépendra principalement de l'intensité sonore choisie au moment du mixage en studio, explique Hourmazd Haghbayan.
Les médias font régulièrement état de la guerre du volume (loudness war) dans laquelle seraient engagés les producteurs de musique, surtout depuis l'avènement de techniques permettant la compression du signal audio. Hourmazd Haghbayan et ses collaborateurs Eric Coomes, de Toronto, et David Curran, de Dublin, ont creusé le sujet en recourant au Million Song Dataset. Cette base de données contient des informations techniques, notamment l'intensité sonore, sur un million de chansons populaires enregistrées par près de 45 000 artistes entre 1922 et 2011.
Les trois collaborateurs ont utilisé un échantillon de 515 000 chansons provenant de cette banque pour documenter l'évolution de l'intensité sonore de la musique populaire depuis 1950. Leurs analyses montrent que l'intensité sonore moyenne des chansons est en hausse constante depuis sept décennies.
Peu importe les causes du phénomène, cette hausse pourrait engendrer des problèmes de santé publique, estime Hourmazd Haghbayan. Selon l'Organisation mondiale de la santé, la moitié des jeunes de 12 à 35 ans vivant dans les pays riches sont régulièrement exposés à une musique dont l'intensité sonore est trop élevée. «L'exposition à ce facteur de risque est en augmentation parce que les jeunes passent plus de temps à écouter de la musique», constate-t-il.
Il est cependant possible d'intervenir sur ce facteur de risque de perte d'audition. «Certains diront qu'il s'agit d'un faux problème puisque les auditeurs peuvent compenser en baissant le volume sur leur appareil. Ce serait toutefois leur faire porter l'entièreté du fardeau de la prévention alors que les producteurs de musique ont un rôle à jouer», estime l'étudiant.