Ce constat provient de Vincent Mauger, doctorant en design et culture numérique et chargé de cours à l’École de design. Le 24 octobre, à la Bibliothèque Saint-Sauveur, ce chercheur présentera une conférence sur l’héritage des livres-jeux dans le milieu du jeu vidéo. L’activité, gratuite, fait partie de la programmation des Rencontres du numérique de l’Institut technologies de l’information et sociétés.
Les livres-jeux, pour rappel, sont des romans qui ont connu leur heure de gloire dans les années 1980 et au début des années 1990. Souvent associés à l’univers des jeux de rôle, ces livres ont comme particularité d’être très interactifs, le déroulement de l’histoire dépendant des choix des lecteurs. Un peu comme dans un labyrinthe, ils peuvent se promener d’un paragraphe à l’autre, de sorte que plusieurs récits sont possibles avec un même roman.
La collection la plus connue est sans doute Le livre dont vous êtes le héros, qui a donné lieu à des titres comme Le sorcier de la montagne de feu, Le talisman de la mort et La sorcière des neiges. «L’aspect interactif et les thèmes de ces livres ont très tôt charmé les lecteurs. Le fait de pouvoir agir sur l’objet-livre et le déroulement de l’action, c’était stimulant pour un certain public composé majoritairement d’adolescents», explique Vincent Mauger.
Devant ce succès, l’industrie du jeu vidéo s’est inspirée du concept de livre-jeu pour créer de nouveaux produits. Ainsi sont apparus les jeux d’aventures et le rogue-like, un genre de jeux dans lequel l’utilisateur explore à sa guise des souterrains générés aléatoirement. «Ces jeux sont construits selon la même logique arborescente que celle des livres-jeux, où des chemins prédéterminés ou des règles simples amènent le joueur à un niveau suivant. Un succès populaire a été le jeu de rôle et d’action Diablo, avec une narration et des graphismes innovants pour l’époque. Des précurseurs sont Rogue : The Adventure Game et Dungeons of Daggorath», relate le doctorant.
D’autres livres-jeux ont carrément été transposés en jeux vidéo. Dans plusieurs cas, ces productions récupèrent à leur sauce des symboles ou des éléments graphiques du livre, comme des animations de pages qui tournent ou les rayons d’une bibliothèque. Le tout est agrémenté d’effets spéciaux qui contribuent à immerger le joueur dans un univers fantastique. «Ce procédé fait appel à des métaphores fonctionnelles du livre ainsi qu’à la remédiation, un concept en études médiatiques. Selon les chercheurs Jay David Bolter et Richard Grusin, les médias se commentent, se reproduisent et se remplacent continuellement en interagissant les uns avec les autres, ce qui entraîne des changements féconds», souligne Vincent Mauger.
Exemple intéressant, Lone Wolf est une série d’aventures signée Joe Dever. L’univers de cette série a d’abord fait l’objet de livres-jeux avant de donner lieu à deux séries de romans, Legends of Lone Wolf et Chronicles of Magnamund, un jeu de rôle ainsi qu’un jeu vidéo, Joe Dever’s Lone Wolf. L’auteur étant décédé en 2016, son fils a repris le flambeau et travaille sur différents contenus interactifs.
Malgré l’importance du numérique dans les habitudes de divertissement, le livre-jeu aura toujours sa place comme produit culturel, selon Vincent Mauger. «Ce support a encore toute sa pertinence. Chez les tout-petits, il est apprécié pour ses rôles éducatifs et pédagogiques. Le livre dont vous êtes le héros est encore populaire chez les jeunes. Depuis 2003, plusieurs classiques ont été réédités. Il existe sur le marché une grande diversité de livres qui méritent d’être découverts ou redécouverts. On peut donc s’attendre à ce que ces ouvrages continuent d’être une source d’inspiration ou d’adaptation pour les jeux vidéos pour quelques décennies encore.»
La conférence du chercheur sera présentée ce jeudi, de 19h à 20h, au 270, rue de Carillon. Plus d’information