Toute sa vie, An Antane Kapesh a milité pour les droits des autochtones. Née en 1926 dans le Grand Nord québécois, elle a connu l'imposition du système colonial, l'exploitation du territoire et la destruction de l'environnement. En 1976, elle signe un réquisitoire émouvant, Je suis une maudite sauvagesse (Eukuan Nin Matshimanitu Innu-Iskueu, en innu), dans lequel elle défend son peuple, sa culture et son histoire.
Après avoir déniché l'un des rares exemplaires de cet essai à la Bibliothèque de l'Université Laval, Naomi Fontaine a été émue par la force de Kapesh et la justesse de son propos. Dès lors, cette étudiante à la maîtrise en études littéraires, qui est aussi une auteure reconnue, s'est lancée dans un projet chronophage: la réédition du livre.
Je suis une maudite sauvagesse revient donc en force, près d'un demi-siècle après sa première parution, grâce à une collaboration avec Mémoire d'encrier. En préface, Naomi Fontaine rappelle la pertinence de ce livre dans le contexte de réconciliation avec les peuples autochtones. «Ce livre, c'est le cadeau précieux qu'on offre à l'Histoire. (…) Aux jeunes Innus qui cherchent leur voie. Pour ne plus jamais être victimes. Pour pouvoir avancer dans l'affirmation, au-delà des mœurs qui nous auront fait croire que nous ne sommes pas dignes. Pour que nous aussi un jour on dise: ma culture est la meilleure qui soit. Et pour le Québec. Pour réécrire l'Histoire. Pour qu'on se souvienne. On me parle de réconciliation. Pourtant, j'ai soif de vérité», écrit-elle.
La réédition de ce livre s'insère bien dans la démarche de l'étudiante, qui souhaite faire rayonner la culture et la littérature des Premières nations. «Je fais une maîtrise avec l'objectif de promouvoir cette littérature et de mieux l'intégrer dans le système scolaire au secondaire ou au cégep. Ce n'est pas normal que les jeunes n'aient pas accès à plus de livres autochtones. Partout au Québec, les gens ignorent que des auteurs autochtones très talentueux existent. Moi-même, avant mes recherches, je ne les connaissais pas», nous avait-elle confié lors de la sortie de son second roman, Manikanetish.
Comme quoi un projet n'attend pas l'autre, Naomi Fontaine vient de publier un troisième livre, Shuni, en plus de voir son premier ouvrage, Kuessipan, adapté au cinéma. Après le Festival international du film de Toronto, ce long métrage sera présenté dans quelques jours au Festival de cinéma de la ville de Québec. L'étudiante travaille aussi sur la réédition d'un autre livre de Kapesh, Qu'as-tu fait de mon pays?, prévu pour l'an prochain.