
— Dave Haygart
En général, le Québec enregistre entre 0 et 4 cas de rougeole par année. Entre février et juin 2024, 51 cas ont été rapportés. Depuis décembre 2024, une nouvelle éclosion est en cours et, en date du 28 mars, 40 cas avaient été signalés. Eve Dubé, professeure au Département d’anthropologie de l’Université Laval et spécialiste de l'anthropologie de la santé, analyse le phénomène.
Les récentes éclosions de rougeole sont-elles dues à une baisse de l’efficacité du vaccin ou à une sous-vaccination contre cette maladie?
L’augmentation des cas n’est pas liée à une diminution de l’efficacité du vaccin. On estime qu’une dose protège entre 85% et 95% des enfants et deux doses, 100%. Le vaccin contre la rougeole est donc très efficace et l’augmentation des cas est liée à une diminution des taux de vaccination. La rougeole est une maladie extrêmement contagieuse. Il faut qu’au moins 95% de la population soit vaccinée pour développer une immunité collective. Au Québec, en 2021, on estimait que 92% des enfants de un an et 89% des enfants de deux ans étaient vaccinés contre la rougeole. Des variations locales des taux de vaccination peuvent conduire à des éclosions, par exemple, si plusieurs personnes non vaccinées vivent dans une même communauté. Enfin, ailleurs dans le monde, les taux de vaccination contre la rougeole peuvent être beaucoup plus faibles et les virus peuvent voyager aussi!
Quels sont les facteurs qui sont responsables de la baisse de couverture vaccinale contre la rougeole?
On parle généralement de deux grandes causes: des problèmes d’accès aux services de vaccination et des enjeux d’acceptabilité. En ce qui a trait à l’accès, on pense à des facteurs comme la difficulté à accéder aux soins de santé. C’est le cas, par exemple, des personnes sans médecin de famille ou de celles qui n’ont pas de suivi de santé régulier. Le fait de ne pas savoir qu’un vaccin est nécessaire peut aussi être une barrière. Au Québec, la première dose du vaccin contre la rougeole est donnée lorsque l'enfant a 12 mois. Plusieurs parents ont alors recommencé à travailler et peuvent oublier le rendez-vous ou ne pas savoir qu’il est nécessaire. Enfin, les confinements durant la pandémie ont pu avoir un impact négatif sur la vaccination. Malgré les efforts de rattrapage, il est possible que certaines personnes n’aient pas pu être rejointes. En ce qui a trait à l’acceptabilité, on parle de craintes par rapport à la sécurité ou à l’efficacité du vaccin, des attitudes négatives par rapport à la vaccination en général et de l’influence négative de la désinformation. Le vaccin contre la rougeole est associé à un mythe persistant depuis la fin des années 1990 alors qu’une étude frauduleuse avait allégué qu’il pouvait causer l’autisme. Bien que cette étude ait été démentie, les craintes persistent chez certains parents.
De quelle façon peut-on encourager la vaccination contre la rougeole?
Il est essentiel d’offrir un accès simple et facile à la vaccination, entre autres par des cliniques de vaccination sans rendez-vous, le soir ou la fin de semaine ou en faisant des cliniques de masse. Il faut aussi rappeler aux parents l’importance de la vaccination contre la rougeole en les informant via l’école, les pharmacies, etc. Pour les parents qui pourraient avoir plus de craintes, une stratégie qui a fait ses preuves est le fait de pouvoir discuter avec un conseiller en vaccination ou un professionnel de la santé formé en entretien motivationnel. Il n’y a pas une solution unique. Les interventions qui visent à informer les gens, à leur offrir facilement le vaccin et à répondre à leurs craintes sont utiles. Dans le contexte où le nombre de cas de rougeole est en augmentation à travers le monde, il est d’autant plus essentiel de s’assurer que toutes les mesures sont prises pour augmenter les taux de vaccination.
Propos recueillis par Jean Hamann