Même si la vasectomie a connu une progression spectaculaire en France au cours des 20 dernières années, la proportion d'hommes qui se font vasectomiser dans ce pays est encore aujourd'hui 4 fois moins élevée qu'au Québec. Cet écart dépendrait de facteurs culturels, mais également du cadre administratif qui régit cette intervention ainsi que de la technique utilisée pour la pratiquer dans chaque pays. C'est ce que suggère une étude publiée dans The French Journal of Urology par une équipe de recherche franco-québécoise.
«La vasectomie était encore illégale en France il y a 25 ans, ce qui fait que ce pays n'a pas une longue tradition en la matière», souligne l'un des auteurs de l'étude, Michel Labrecque, professeur de clinique titulaire et professeur émérite de l'Université Laval, également chercheur associé au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval.
En vertu d'une loi adoptée en 2001, les chirurgiens, dont les urologues, sont les seuls médecins autorisés à pratiquer des vasectomies en France. De plus, la loi impose un délai de quatre mois entre la visite initiale et l'intervention, et elle stipule que la vasectomie doit être pratiquée dans un cadre hospitalier. «Ces trois barrières n'existent pas au Québec, ce qui facilite l'accès à la vasectomie», estime le professeur Labrecque, qui a lui-même pratiqué plus de 40 000 vasectomies depuis le début de sa carrière.
L'enquête menée en 2022 par l'équipe franco-québécoise auprès de 352 urologues membres de la Société française d'urologie suggère que les contraintes qui encadrent la vasectomie en France se répercutent sur la façon dont l'intervention est pratiquée.
Ainsi, 41% des répondants ont systématiquement recours à l'anesthésie générale et 70% ont recours à l'anesthésie générale plus d'une fois sur deux. Seulement 25% des répondants recourent à l'anesthésie locale pour la plupart des vasectomies qu'ils pratiquent.
Autre distinction importante, la technique la plus couramment utilisée au Québec, la vasectomie sans bistouri, a tardé à se répandre en France. Il s'agit d'une procédure minimalement invasive, explique Michel Labrecque. «Après avoir procédé à une anesthésie locale, le médecin pratique une petite ouverture dans le scrotum à l'aide d'une pince chirurgicale aux extrémités acérées. Il expose ensuite le canal déférent (le conduit emprunté par les spermatozoïdes pour se rendre des testicules à la prostate) avant de le bloquer.»
Au Québec, tous les omnipraticiens qui pratiquent beaucoup de vasectomies recourent à cette technique, précise le professeur Labrecque. «En France, à peine 25% affirmaient utiliser une technique minimalement invasive en 2021, sans préciser s'il s'agissait d'une méthode sans bistouri, mais ce taux avait grimpé à 56% au moment de l'enquête de 2022.»
À la lumière des résultats de l'étude, les auteurs estiment que les services de vasectomie en France ne répondent pas, du moins pas totalement, aux normes internationales. Il faudrait revoir les articles de la loi qui restreignent l'accessibilité à la vasectomie et prioriser le recours à la vasectomie sans bistouri, comme on le fait depuis longtemps au Québec.
L'écart dans le taux de vasectomie entre le Québec et la France pourrait aussi s'expliquer par des facteurs culturels, ajoute le professeur Labrecque. «Le ratio entre le nombre de ligatures des trompes et le nombre de vasectomies est un indicateur d'égalité entre les sexes, souligne-t-il. En France, il y a maintenant 1,1 vasectomie pour 1 ligature. Au Québec, on parle plutôt de 4 vasectomies pour 1 ligature.»
— Michel Labrecque
Cela dit, tout n'est pas parfait pour autant au Québec, poursuit-il. «Le défi pour le système de santé québécois consiste à maintenir l'accessibilité à des vasectomies couvertes par la Régie de l'assurance maladie du Québec, donc gratuites, dans un délai raisonnable dans toutes les régions du Québec. Présentement, environ 18 000 vasectomies sont pratiquées au Québec chaque année, dont environ 3000 seraient faites au privé.»
Le tiers des quelque 15 000 vasectomies pratiquées dans le réseau public sont réalisées par deux médecins: Pierre Boucher à Montréal et Michel Labrecque à Québec. «Il faut s'assurer qu'il y aura une relève, sinon encore plus d'hommes pourraient aller du côté du privé où les vasectomies coûtent jusqu'à 800$. L'offre de service en vasectomie dans le réseau public au Québec doit être maintenue. La vasectomie est un service assuré au Québec et les hommes ne devraient pas avoir à payer pour ce service», conclut le professeur Labrecque.