29 septembre 2023
Le Groupe interdisciplinaire de recherche sur les banlieues a 25 ans
En un quart de siècle d’existence, le GIRBa a mené des enquêtes, réalisé des analyses et accueilli des étudiants, en plus de conduire des projets urbains et des processus de planification participative
Une feuille de route bien remplie. C'est l'impression qui se dégage de la liste de réalisations du Groupe interdisciplinaire de recherche sur les banlieues, mieux connu sous l'acronyme GIRBa. LE GIRBa a vu le jour en 1998. Il est affilié au Centre de recherche en aménagement et développement de l'Université Laval, lequel est rattaché à la Faculté d'aménagement, d'architecture, d'art et de design. Ses fondatrices étaient les professeures Carole Després, de l'École d'architecture, et Andrée Fortin, du Département de sociologie, auxquelles s'est jointe très tôt la professeure Geneviève Vachon, également de l'École d'architecture.
Le vendredi 22 septembre, plus de 110 personnes ont assisté en ligne au webinaire en mode hybride animé par la professeure Després. La présentation s’inscrivait dans le cadre du Forum international sur les mobilités périurbaines et rurales, une activité de l’OBNL Accès transports viables.
«Notre mission initiale, raconte la directrice du GIRBa, Carole Després, était de réfléchir au vieillissement social et physique des banlieues de la ville de Québec construites après la Seconde Guerre mondiale et aux manières de requalifier ces espaces urbanisés pour ralentir l’étalement urbain. Je pense que nous étions assez avant-gardistes à l’heure où les gens parlaient d’interdisciplinarité. Nous avons travaillé avec les étudiants, les décideurs tels que fonctionnaires, élus, gestionnaires, praticiens, groupes d’acteurs locaux, et les citoyens. Par des données scientifiques, nous aidons les gens à comprendre, en lien avec leur savoir pratique. Ils repartent avec des connaissances qu’ils peuvent appliquer dans leur milieu. Nous faisons de la recherche participative basée sur des outils d’aide à la décision.»
Selon la professeure Després, le total des subventions et de contrats de recherche du GIRBa s’élève, pour le dernier quart de siècle, à trois millions de dollars.
Une contribution étudiante déterminante
Durant cette période, le GIRBa a accueilli cinq stagiaires postdoctoraux et cinq thèses de doctorat ont été réalisées, de même qu’une vingtaine de mémoires de maîtrise. Les étudiantes et les étudiants ont écrit une trentaine d’essais en design urbain et de nombreux processus participatifs ont été mis sur pied à chacune des étapes de l’évolution des projets de recherche.
Deux ouvrages collectifs ont également été publiés: La banlieue revisitée, en 2002, et La banlieue s’étale, en 2011. «Ces ouvrages, dit-elle, ont nourri certaines pistes d’action mises de l’avant dans le premier Plan directeur d’aménagement et de développement de la Ville de Québec. Des organisations comme Vivre en ville, à Québec, ou l’Arpent, à Montréal, offrent dorénavant des expertises qui s’inscrivent dans la lignée de nos résultats de recherche.»
Selon Carole Després, diverses études dans le passé ont mis en lumière le fait que les préférences résidentielles d’une majorité de banlieusards vont vers des habitations de faible à moyenne densité, plutôt que vers des condos dans des tours. «Le marché actuel de l’habitation, soutient-elle, a exacerbé ces tendances. Ces résultats de recherche sont encore plus pertinents aujourd’hui. Il y a un défi de rééquilibrer l’offre de logements en fonction de la demande. L’offre ne correspond pas à ce à quoi les gens aspirent à long terme, que ce soit le micro condo, auquel je m’oppose, ou le logement plus grand mais très cher, deux types de produits résidentiels mis de l’avant par les promoteurs. Je suis estomaquée par le prix de location des micro logements à la superficie limitée qui se construisent sur 10 étages. Cela ne colle absolument pas à ce qu’on peut voir dans la littérature scientifique depuis 25 ans.»
Deux types résidentiels dominants
Dans les banlieues de Québec, la maison unifamiliale et l’immeuble locatif de type walk-up avec quelques étages sans ascenseur sont les deux types résidentiels dominants parvenus à la fin d’un premier cycle de vie en architecture.
Ces banlieues sont d'abord et avant tout l'affaire des baby-boomers. Cette expression désigne les personnes nées en Occident après la Seconde Guerre mondiale et avant 1960. Les études des chercheurs du GIRBa montrent que les baby-boomers représentent la majorité des résidents des banlieues de deuxième et de troisième couronne de la ville de Québec. Les arrondissements de banlieue, quant à eux, constituent environ les deux tiers du territoire de la ville.
Une majorité de baby-boomers veulent vieillir à domicile. Il en est de même pour les aînés du quatrième âge de 75 ans et plus. Parmi ces derniers, 70% désirent vieillir sur place et ils le font. Pour revenir aux baby-boomers, les trois-quarts ne désirent pas déménager. Ceux qui déménagent le font parce que leur domicile est devenu trop grand, parce qu’ils ont pris leur retraite ou parce que l’entretien de leur propriété est devenu trop exigeant.
«La majorité veulent vieillir chez eux, souligne la professeure. La maison est payée, ils veulent continuer à y habiter. Pour faire les courses, ils peuvent compter sur leurs enfants qui viennent les chercher. On oublie que la personne vieillissante veut continuer à être en contact avec ses petits-enfants et recevoir chez elle. Les enfants ont le goût de venir chez mamie parce qu’il y a de l’espace pour bouger. Lorsque celle-ci devra quitter son domicile, ce sera pour la résidence pour aînés ou le CHSLD.»
Selon Carole Després, le vieillissement des maisons unifamiliales des banlieues héritées du baby-boom, le vieillissement accéléré de la population, les changements climatiques de plus en plus inquiétants, le concept de développement durable qui s’impose, ainsi que la pandémie récente rendent la recherche en urbanisme et en architecture plus pertinente que jamais.
«Ce sont tous des sujets d’actualité qui touchent la forme des villes et des villages, et leur architecture», affirme-t-elle. Elle ajoute que la banlieue jouit d’une perception générale positive. «La banlieue offre le meilleur de deux mondes, soutient-elle. Elle évite à la fois les défauts de la ville et de la campagne. Elle est le mi-lieu. Dans chaque groupe d’âge, il y a des urbains purs et durs et des ruraux purs et durs. Il y a aussi des gens qui sont pour le milieu. Cela dit, je ne prêche pas pour la continuité de l’étalement urbain.»
La banlieue durable, c’est possible
La professeure Després croit que le concept de banlieue durable est possible, et ce, malgré le fait que les enjeux et les défis soient grands. Selon elle, la banlieue est là pour rester et sa difficile mise en œuvre doit passer par le fait d’investir de manière écoresponsable pour requalifier les territoires déjà urbanisés. «Mettre une idée comme ça en œuvre prendra une volonté politique, dit-elle, une politique interministérielle touchant notamment l’habitation, le transport et les écoles.»
Un des éléments de cette stratégie concerne les subventions d’aide à la rénovation aux particuliers ou aux municipalités pour la transformation de bungalows et l’achat et la rénovation de parcs immobiliers de type walk-up. La rénovation de ces immeubles s’appuierait sur l’insertion de petits immeubles locatifs avec ascenseur.
«Le tiers des terrains des banlieues de première couronne accueillent un bungalow, indique-t-elle, soit 22 000 lots sur 66 000. Certains propriétaires ont ajouté un logement supplémentaire latéral servant de maison intergénérationnelle. Le terrain pourrait aussi être subdivisé pour permettre la construction de la “petite maison” modeste équivalant à un logement de quatre pièces et demie sur deux étages. Celle-ci pourrait plaire à une génération de jeunes qui recherchent un petit terrain avec vélo, voiture électrique, télétravail. Je crois que le potentiel est énorme. Cet ajout représenterait une source de revenu à la fois pour le propriétaire et pour la Ville.»
Le dérèglement du climat fait aussi partie de la problématique. Les chercheurs du GIRBa prônent l’adaptation aux événements épisodiques climatiques et pandémiques. Cela peut se faire par l’aménagement d’îlots de fraîcheur dans les secteurs locatifs et autour des écoles. Des lieux de refuge pourraient aussi être aménagés en cas de chaleurs extrêmes ou de crise de verglas.
«Depuis 2010, nous travaillons sur la rénovation des écoles et sur la requalification de leur périphérie pour améliorer leur attractivité pour les familles, explique Carole Després. Souvent pas un seul arbre n’a été planté depuis 50 ans à ces endroits. L’on pourrait négocier la construction de centres de la petite enfance sur les terrains scolaires inoccupés d’écoles secondaires. On pourrait également négocier la construction de logements sur ces mêmes terrains.»